L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Le travail de nuit nuit gravement à la santé01/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1690.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : Le travail de nuit nuit gravement à la santé

L'Assemblée a voté le 28 novembre la proposition du gouvernement d'autoriser le travail de nuit des femmes, au nom de l'égalité entre les sexes. Nous nageons là en pleine hypocrisie.

En effet, si l'égalité entre les hommes et les femmes constituait vraiment la préoccupation du gouvernement, il pourrait d'abord le démontrer en faisant en sorte qu'il n'y ait plus de discrimination entre les hommes et les femmes en matière de salaire, ce qui n'est évidemment pas le cas aujourd'hui.

En outre, bien que légalement interdit, le travail de nuit des femmes est aujourd'hui largement répandu, puisqu'il concerne déjà près de 800 000 femmes salariées, les autorités administratives accordant des « dérogations » à la quasi-totalité des entreprises qui en font la demande.

Il n'y a pas eu besoin d'une nouvelle loi, par exemple, pour que la direction de l'usine Peugeot de Sochaux annonce tout récemment qu'elle était en train de mettre en place une équipe de nuit comprenant de nombreuses femmes, en se félicitant (et cela a largement été repris par la grande presse) du fait qu'elle avait trouvé sans mal des volontaires.

Que des femmes qui ne perçoivent que des salaires de misère aient accepté de travailler de nuit, avec toutes les difficultés que cela va provoquer dans leur vie de famille, pour gagner un peu plus, cela n'a rien d'étonnant.

Que des mères de famille aient fait ce choix pour avoir un peu plus de temps à consacrer à leurs enfants dans la journée (aux dépens de leur propre temps de sommeil, et avec tout ce que cela comporte de fatigue en plus), ce n'est pas plus étonnant.

Que des femmes réduites à des emplois précaires, en CDD ou en intérim, aient accepté de travailler de nuit dans l'espoir d'obtenir un emploi stable, est tout aussi compréhensible.

Mais tout cela n'est que la conséquence des bas salaires, de la généralisation des emplois précaires et de l'insuffisance des équipements sociaux, tels que les crèches et les garderies. Et il faut tout le cynisme de la direction de Peugeot, des cadres supérieurs de cette société, et des journalistes qui leur servent de relais, pour présenter les choses comme si le travail de nuit répondait à un souci d'égalité et à l'attente des femmes!

L'égalité, il y aurait pourtant une autre manière de la réaliser : en interdisant aussi le travail de nuit des hommes, partout où il n'est pas socialement nécessaire.

Il y a évidemment des secteurs où le travail de nuit est indispensable : dans les hôpitaux par exemple. Des secteurs où il serait difficile de s'en passer, comme dans les transports. Mais dans le cas de Peugeot c'est pour fabriquer des voitures. Comme dans bien d'autres entreprises, il s'agit seulement, pour produire plus en faisant le maximum de profit, de faire tourner les machines 24 heures sur 24, d'user les hommes et les femmes à la tâche, plutôt que d'investir dans de nouvelles machines, voire de nouveaux ateliers, de nouvelles chaînes de production qui travailleraient de jour.

Pourtant, les statistiques montrent que le travail posté nuit gravement à la santé, que les travailleuses et les travailleurs qui y sont affectés pendant vingt ans perdent sept ans d'espérance de vie. Mais cela n'émeut ni les patrons, ni les économistes, ni les journalistes à leur service, du moment que cela accroît les profits patronaux.

La multiplication des entreprises qui ont recours au travail de nuit ou qui augmentent les effectifs travaillant de nuit, loin d'être un progrès, est une véritable régression sociale. Elle fait partie de l'offensive menée par le patronat contre la classe ouvrière, dans le but d'augmenter les profits du capital aux dépens des travailleurs.

En levant les barrières juridiques devant cette extension du travail de nuit, le gouvernement de la « gauche plurielle » montre une fois de plus au service de quelle classe sociale il est.

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