Chantiers de l’Atlantique - Saint-Nazaire : Deuxième accident mortel en quatre mois01/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1690.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chantiers de l’Atlantique - Saint-Nazaire : Deuxième accident mortel en quatre mois

Dans la nuit de vendredi à samedi 25 novembre, à 2 heures du matin, un travailleur des Chantiers de l'Atlantique a fait une chute mortelle. Il avait 54 ans et devait partir en préretraite d'ici quelques mois.

Élingueur expérimenté, il accompagnait la manoeuvre d'accostage d'un panneau sur un bloc. Le seul éclairage conséquent dans cette zone de prémontage est celui du portique. Si le dessus du panneau est en pleine lumière, le dessous est par contre dans le noir le plus total et c'est là que notre camarade de travail est tombé dans une ouverture de pont.

Il y a un an déjà, un accident identique avait eu lieu, avec des conséquences heureusement moins dramatiques. Le patron s'était engagé à étudier les dangers de ce poste de travail, mais productivité et profits des actionnaires étant prioritaires, rien n'a été fait. Peu après un autre accident qui aurait pu être très grave mettait nettement en évidence un manque criminel d'éclairage. Là encore la direction a affirmé y remédier sur l'ensemble du site, sans suite.

Au mois de juillet dernier, un jeune intérimaire de 20 ans avait aussi trouvé la mort en chutant de plusieurs mètres dans un puits de ventilation non protégé et non éclairé.

Avant cet été et le rodage du plan de réduction des coûts pompeusement baptisé « CAP21 », le dernier accident mortel remontait à douze ans, ce qui était déjà beaucoup trop. Depuis on en est à deux décès en quatre mois et rien n'indique que c'est fini.

Douze mille ouvriers, employés et techniciens travaillent maintenant aux Chantiers de l'Atlantique mais seulement 4 300 sont salariés par Alstom, propriétaire, donneur d'ordres et maître d'oeuvre. Sous-traitance et précarité pour la majorité, flexibilité et augmentation de la productivité pour tous sont les maîtres mots.

La dégradation de conditions de travail déjà dures entraîne chaque jour, sur l'ensemble des secteurs, des dizaines d'accidents plus ou moins graves. Et souvent, sous la pression des patrons (en particulier ceux des entreprises sous-traitantes), ils ne sont même pas déclarés comme tels.

Lundi 27 novembre, l'ensemble des organisations syndicales appelaient à un débrayage. Nous nous sommes retrouvés à plusieurs milliers, tout âge et tous statuts confondus, pour montrer notre indignation et pour dénoncer la culpabilité du patron et de son CAP21. Malgré la pluie battante, un cortège de manifestants s'est formé pour traverser la ville jusqu'à la sous-préfecture où une délégation syndicale a été reçue.

En quatre mois, deux morts! Les patrons invoqueront sans doute la fatalité ou une soi-disant loi des séries. La vérité est que les causes directes de ces accidents sont les horaires déments, les délais raccourcis à l'absurde, le manque d'installations et de moyens, les pressions en tout genre. Pressions d'autant plus fortes que les travailleurs viennent de tous les horizons, de toute l'Europe, de toutes les corporations. Il y a une vingtaine de conventions collectives présentes sur le site et il n'est pas difficile d'imaginer ce que cela veut dire de tracasseries, de difficultés de toutes sortes, y compris pour les militants qui veulent faire leur travail honnêtement pour déjouer les entourloupes des patrons. Il faut se déplacer à Marseille, à Lille, à Dunkerque et ailleurs pour connaître ce que sont exactement ces entreprises et les conventions qui sont censées les régir.

Les beaux paquebots, les rêves de croisière, l'Eldorado de Saint-Nazaire, le savoir-faire du chantier, tout cela est un vaste leurre. Les patrons, qu'ils fabriquent des casseroles, des bateaux, des chaussettes ou des avions, n'ont qu'une idée en tête : faire de l'argent!

Il est de bon ton aujourd'hui, y compris malheureusement parmi les dirigeants ouvriers bien en vue, de parler de changement de société, de dire qu'il faut « s'adapter », qu'il faut se moderniser, que les temps ont changé. Derrière ces mots vides de sens, il y a tout simplement le retour en arrière de plusieurs dizaines d'années des conditions de vie de la classe ouvrière. Les patrons dictent leurs lois toujours plus féroces et, faute de confiance en leurs forces et de perspective de combat, les travailleurs subissent l'exploitation comme ils la subissaient au début de ce siècle. La mise en place de la loi Aubry sur les 35 heures a amplifié cette exploitation par une flexibilité accrue, l'annualisation, le travail en équipe, du week-end, de nuit.

Roger Fleury est mort aux Chantiers, à 54 ans, de cette guerre menée par les patrons contre les travailleurs, avec la bénédiction du gouvernement...

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