Allemagne : Le courrier passe après les actionnaires01/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1690.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Le courrier passe après les actionnaires

Après l'introduction en Bourse de la Poste néerlandaise en juin 1998, la Poste allemande vient à son tour de sauter le pas. L'Etat allemand cède 29 % des actions qu'il détient. « A terme, notre but est la privatisation complète de la Poste », a déclaré le ministre des Finances.

De cette privatisation, le directeur de la Poste (ex-dirigeant de Quelle, une grosse société de vente par correspondance) en rêvait paraît-il depuis sa nomination il y a dix ans. Les actionnaires ont répondu à l'appel, le gouvernement social-démocrate et Verts se montre satisfait. Le syndicat des postiers a réuni, le jour même de la mise en vente des actions, 500 délégués non pour organiser une protestation mais... pour discuter de la fusion avec d'autres syndicats du secteur des services.

Ce sont évidemment les millions d'usagers et les postiers qui feront les frais de l'opération. Ces dix dernières années, les effectifs de la Poste allemande sont passés de 394 000 à 244 000. Et comme aucun salarié ayant le statut de fonctionnaire n'a été recruté depuis 1995, ceux-ci constituent aujourd hui moins d'un salarié de la Poste sur trois. Ils craignent aujourd hui pour leurs conditions de travail et pour leur emploi.

En France, la privatisation avait commencé par une division des PTT. En Allemagne, en 1992, il y a eu une division en trois établissements : Télécom, Poste et réseau bancaire de la Poste, qui gardaient chacun leur statut d'établissement public. Mais ce n'était que provisoire. En 1994, le gouvernement de droite dirigé par Kohl obtint l'accord des dirigeants sociaux-démocrates (alors qu'ils étaient soi-disant dans l'opposition) pour opérer le changement de Constitution nécessaire à transformer les trois nouveaux établissements en sociétés anonymes.

Le gouvernement annonça que la participation de l'Etat resterait majoritaire dans le capital de la Poste... tant que la société serait déficitaire. Il était clair que l'Etat avait pour rôle de renflouer les déficits tandis que les actionnaires encaisseraient les bénéfices dès que ceux-ci seraient au rendez-vous. Or, à force de suppressions d'effectifs, d'aggravation des conditions de travail, de fermetures de bureaux ou de remplacement de ceux-ci par des boutiques ou des petits commerçants effectuant quelques opérations postales, les profits apparurent. Cependant, les actionnaires potentiels trouvaient que la Poste n'était pas encore assez rentable en comparaison d'autres affaires estimées plus juteuses. C'est sans doute pourquoi le gouvernement allemand a pris la précaution de faire acheter une partie des actions de la Poste par des organismes financiers qu'il contrôle et de ne vendre qu'une partie du capital à la fois (la fameuse « ouverture du capital », comme a dit pudiquement le gouvernement français pour éviter de parler de la privatisation de France Télécom).

Pour allécher davantage les actionnaires, la Poste allemande a annoncé qu'elle diversifiait ses activités, rachetant une trentaine d'entreprises en quatre ans. Ainsi, elle se fait fort de récupérer une partie de la manne que le développement d'Internet est censé procurer à ceux qui spéculent dans ce secteur. Des milliards ont été placés dans le transport des colis express et la logistique. Sous ce nom prétentieux, il s'agit en réalité d'exploiter au maximum le travail des routiers, avec comme conséquence pour la collectivité des risques d'accident de la circulation accrus. Ainsi, la Poste allemande a racheté l'entreprise suisse de transport Danzas ou la société Ducros. Comme La Poste française et d'autres, directement ou par des filiales interposées, cherchent à « conquérir » les mêmes marchés, c'est une concurrence dont rien ne peut sortir de bon ni pour les travailleurs de ce secteur ni pour les petits usagers.

Le ministre des Finances allemand s'est adressé à son homologue français : « Nous ne voulons pas être les seuls à être en pointe sur ce dossier (celui de la privatisation de la Poste NDLR) pendant que les autres maintiennent des barrières pour protéger leur marché intérieur. Il est nécessaire que tous les pays avancent à la même vitesse ».

En matière de privatisation, le gouvernement français n'a pas besoin de conseils. Il connaît déjà ce qui intéresse les actionnaires et n'a aucun scrupule, tout comme les dirigeants allemands, pour passer par-dessus les intérêts élémentaires des travailleurs et des usagers.

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