PCF - "L’Humanité" en crise : Un quotidien, oui mais pour faire quoi ?24/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1689.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

PCF - "L’Humanité" en crise : Un quotidien, oui mais pour faire quoi ?

L'Humanité a annoncé qu'elle connaissait de nouvelles difficultés financières importantes, liées à une diffusion qui, malgré la mise en place d'une nouvelle formule en mars 1999, avait encore régressé. A cette époque, le PCF avait fait un nouveau pas en direction de ce que ses dirigeants appelaient "l'ouverture" ou "la mutation", en supprimant toute référence au communisme dans le titre du journal.

L'un des objectifs affirmés de cette "mutation" dans les rapports affichés entre le journal et le parti était, déjà à l'époque, d'élargir ses ventes afin de rétablir l'équilibre financier du quotidien ; mais aussi et surtout d'en faire un geste démonstratif de cette volonté de mutation chère à Robert Hue et aux autres dirigeants. Le choix fait alors relevait moins de préoccupations commerciales que d'un projet politique profondément et depuis longtemps engagé.

Si on en juge par les résultats, force est de reconnaître que ce choix n'a pas été payant, pas plus que ne l'a été celui, inspiré par la même démarche, de présenter à l'élection européenne la liste "Bouge l'Europe". Mais la vraie question ne se pose pas en terme de rentabilité "commerciale". Très peu de journaux en France atteignent l'équilibre financier uniquement par leurs ventes. Beaucoup sont liés à des groupes financiers et ne vivent que grâce à des financements indirects, dont la publicité est une des sources principales. Cet équilibre existe encore moins pour un journal de parti. D'ailleurs, la plupart des partis politiques importants n'ont plus de journaux publics, pas plus le PS que les grands partis de droite. Ils n'en éprouvent pas le besoin et n'auraient sans doute pas les militants pour en assurer la vente, à la différence du PCF qui, lui, disposait d'un tel réseau militant.

Il y a sans doute bien des raisons, et sans doute des raisons liées à la situation générale, qui expliquent les difficultés de L'Humanité, mais il en est une, et pas la moindre, qui découle directement de la politique du PCF. Cette politique a, en effet, contribué à affaiblir considérablement ce réseau militant, par le seul fait que L'Humanité, que nombre des militants du PCF considéraient à la fois comme la voix de leur parti et comme un instrument qui les aidait à agir dans leur entourage, s'est transformée, par la volonté de leur direction, en un objet politique difficilement identifiable.

La question posée n'est pas seulement une question de mise en page, de qualité rédactionnelle, elle est d'abord liée au choix du public que l'on veut toucher et influencer, et de ce dont on veut le convaincre. Combien de militants ont cessé de vendre L'Humanité, ou même de la lire, parce qu'ils ne se retrouvaient pas dans ce qu'on y lisait, qu'ils ne voyaient même plus les traces des luttes, de leurs combats militants ? Et même si, dans le rapport que Michel Laurent a présenté devant la direction du PCF, il est fait état du fait que 18 000 quotidiens sont encore vendus par la vente militante, ce qui, selon le rapporteur, représenterait le quart des ventes totales, ce poste s'est considérablement rétréci.

Le quotidien Le Monde du 21 novembre rapporte des propos qu'aurait tenus Robert Hue, en août dernier, lors de l'université d'été du PCF : "Il n'est écrit nulle part qu'il doit nécessairement y avoir un Parti Communiste fort et influent dans la France du XXIe siècle", précisant "aucune loi prétendument scientifique ne peut donner cette assurance ! Certes nous avons longtemps professé cette croyance mécaniste dans "le sens de l'Histoire". Elle n'est pas de saison."

Il est vrai que pour pratiquer la politique que la direction du PCF mène actuellement, pour voter, par exemple, le budget présenté par le gouvernement, après en avoir souligné les insuffisances crasses, comme vient de le faire dans sa quasi-totalité le groupe communiste à l'Assemblée nationale, pour devenir une force d'appoint du PS dans les majorités parlementaires ou au gouvernement, il n'est effectivement pas nécessaire qu'il y ait un parti communiste fort - encore que pour peser dans les marchandages politiciens, il faut malgré tout disposer d'un poids électoral et d'un poids social qui, quoi qu'on dise, restent liés aux efforts militants. Dans cette logique-là, le PCF pourrait même se passer, en fin de compte, d'un quotidien. D'autres que lui s'en passent bien.

Par contre, pour combattre la bourgeoisie et ses méfaits, pour dénoncer ceux qui s'en font les complices, un tel parti communiste, enraciné dans la classe ouvrière, reste plus que jamais nécessaire. Mais ces objectifs ne sont plus depuis longtemps ceux des dirigeants du PCF. Le contenu de L'Humanité n'est que le reflet de cette attitude.

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