Le scandale des zones d’attente et des centres de rétention24/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1689.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le scandale des zones d’attente et des centres de rétention

Dans un rapport parlementaire, le député socialiste Mermaz dénonce les zones d'attente et les centres de rétention pour les étrangers en situation irrégulière, affirmant "qu'ils sont l'horreur de la République". Il "découvre"... avec un certain retard, ce que l'on savait déjà, à savoir le sort intolérable réservé aux étrangers en attente d'expulsion.

Il existe 122 zones d'attente, dont 98 dans l'Hexagone. Celles de la région parisienne concentrent l'essentiel des demandes d'asile. Le maintien en zone d'attente d'un étranger peut être dû à l'interruption d'un transit, un refus d'entrée ou une demande d'asile. Pour les six premiers mois de cette année, cela a concerné environ 10 000 personnes. Les demandeurs d'asile peuvent alors attendre jusqu'à vingt jours dans des conditions déplorables : enfermés dans des locaux exigus aux fenêtres scellées (hôtel Ibis de Roissy) ; entassés à 18 dans la même pièce (Arenc à Marseille). Promiscuité inacceptable, manque d'hygiène total sont le lot quotidien des étrangers parqués dans ces zones de non-droit où sévit l'arbitraire policier. En juillet dernier une jeune Sierra-Léonaise, enceinte de huit mois, placée en zone d'attente à l'aéroport de Roissy, avait perdu l'enfant qu'elle portait. Un mois plus tard un demandeur d'asile cubain avait été renvoyé dans son pays d'origine, tandis qu'en septembre une jeune enfant tamoule de quatre ans était retenue dans un centre de rétention à Marseille.

Des prisons pour étrangers

Parallèlement à ces zones d'attente, il existe 17 centres de rétention, où sont enfermés des étrangers ou des travailleurs immigrés considérés comme étant en situation irrégulière, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière. Près de 15 000 étrangers ont séjourné dans un centre de rétention en 1999. Ce chiffre devrait atteindre les 20 000 cette année. A Calais, par exemple, un hangar utilisé pour la construction du tunnel sous la Manche fait office de centre de rétention. Là, 600 à 800 personnes s'entassent quotidiennement dans un endroit prévu pour 200 au plus ! A Marseille, sur le port, le centre d'Arenc (qui fait aussi office de zone d'attente) illustre les mauvais traitements infligés aux étrangers reconduits. Sans oublier les centres du Palais de Justice de Paris, de Choisy-le-Roi et du commissariat de Bobigny, en banlieue parisienne, implanté au sous-sol, et qui est sans aucun doute l'un des plus sordides.

Mermaz propose des "réformes", exige la fermeture de ces deux derniers centres, somme le gouvernement de mettre en oeuvre "un vaste plan de rénovation des structures existantes", pour rendre plus humaines les conditions de détention des étrangers, et encourage la présence d'observateurs extérieurs. Comme si, pour mettre fin à cette situation révoltante, il suffisait d'un simple coup de peinture, d'agrandir les locaux de rétention ou encore d'accroître le nombre de visites des parlementaires ou des associations ! Rénovés ou non, c'est l'existence même de ces centres qui pose un réel problème.

Le gouvernement est responsable

Mermaz, ancien ministre de Mitterrand, ancien président de l'Assemblée nationale, et porte-parole du gouvernement socialiste dans les années 1990, s'indigne aujourd'hui d'une réalité qu'associations de défense des immigrés et presse ont dénoncée à plusieurs reprises. Il a participé à des gouvernements qui savaient, et qui n'ont rien fait. Pourquoi par exemple un centre comme celui d'Arenc, dans le port de Marseille, déjà sous les projecteurs de l'actualité dans les années 1970, fermé, puis ouvert de nouveau, reste-t-il en activité ? Pourquoi des centres insalubres comme celui du Palais de Justice à Paris, ou comme celui de Bobigny en Seine-Saint-Denis, continuent-ils à fonctionner à plein régime et à "accueillir" plus de mille étrangers par an pour ce dernier ? Qui paye chaque mois 1,6 million de francs pour la location de deux étages de l'hôtel Ibis de Roissy pour les transformer en zone d'attente ? Qui a dépensé 18 millions de francs en 1999, contre 7,4 en 1997, pour "gérer" l'ensemble de ces zones et ces centres ? Le ministère de l'Intérieur ! Tel est le coût financier et humain de la politique anti-immigrés du gouvernement.

Car, de Giscard à Jospin, les ministres de l'Intérieur, de Pasqua à Vaillant, ont utilisé ces zones d'attente et ces centres de rétention en permanence. Ils les ont multipliés en nombre pour y garder des étrangers, hommes et femmes, qui n'ont commis que le crime d'être nés dans un pays pauvre, d'avoir voulu fuir la misère ou la guerre civile.

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