Jugement en faveur d’un handicapé : Les laissés-pour-compte de la société24/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1689.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Jugement en faveur d’un handicapé : Les laissés-pour-compte de la société

La presse a largement commenté un arrêt de la Cour de cassation reconnaissant le droit d'un enfant, né très gravement handicapé à la suite d'une erreur de diagnostic, à réclamer une indemnisation. Le tribunal s'est appuyé sur le fait que des examens pratiqués sur la mère durant sa grossesse n'avaient pas décelé la rubéole, une maladie dont les risques de malformation pour le foetus sont connus. Cette erreur n'avait donc pas permis à la mère d'interrompre à temps sa grossesse.

Cet arrêt a provoqué de nombreuses réactions, notamment dans les milieux médicaux. Des médecins ont estimé que ce jugement ouvrait la porte à "toute une série de procès contre l'Etat ou le corps médical". D'autres estiment que "ce jugement expose désormais les parents ayant donné naissance à un enfant handicapé au risque de se voir éventuellement traîner devant les tribunaux par leur propre enfant".

Il y a une belle dose d'hypocrisie et de corporatisme dans ces prises de position, quand elles ne sont pas dictées par des considérations religieuses qui voudraient que les parents se résignent à donner naissance à un enfant, même s'ils le savent atteint de graves malformations.

Dans cette affaire, les juges ont à juste titre reconnu que l'enfant pouvait demander réparation du préjudice causé par la faute du médecin et du laboratoire chargés des examens. Comme l'a commenté l'un d'entre eux, cette indemnisation lui permettra "de vivre, au moins matériellement, dans des conditions plus conformes à la dignité humaine, sans être abandonné aux aléas d'aides familiales, privées ou publiques".

Car c'est bien là le véritable problème : à défaut d'une réelle prise en charge - financière, matérielle et morale - par l'Etat, les handicapés doivent le plus souvent se débrouiller par eux-mêmes pour survivre. Avec, pour beaucoup de parents, l'angoisse de savoir que leur enfant sera livré à lui-même lorsqu'ils ne seront plus là pour subvenir à ses besoins.

S'il y a un scandale, c'est bien plus en cela qu'il réside, dans le fait qu'au nom de la collectivité l'Etat n'assure pas la prise en charge des personnes les plus dépendantes et les plus vulnérables. Cela est vrai d'ailleurs pour les handicapés de naissance comme pour les accidentés de la vie, mais aussi pour les personnes âgées.

Le fait que cette société, qui ne manque pas une occasion d'étaler ses richesses, n'ait pas plus d'égards pour ses membres les plus faibles et les moins intégrables au regard de ses critères de productivité, suffit à condamner.

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