Lire : Chasseur de noirs (de Daniel Vaxelaire)17/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1688.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire : Chasseur de noirs (de Daniel Vaxelaire)

(Chasseur de Noirs, de Daniel Vaxelaire, Editions Orphie, 373 pages, 98 francs)

Ce roman, qui vient d'être réédité, évoque l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire de l'île de La Réunion, dans l'océan Indien, lorsqu'au 18e siècle, elle s'appelait l'île Bourbon et était une colonie française placée sous l'autorité du gouverneur La Bourdonnais.

Le fil conducteur du récit est donné par les confessions d'un colon, Guillaume Brancher, condamné à mort pour avoir pactisé avec les esclaves noirs fugitifs (et donc considéré comme un traître par les planteurs blancs), après avoir été l'un des plus célèbres chasseurs d'esclaves de La Réunion, au temps des guerres contre les esclaves révoltés, entre 1730 et 1790. Colon créole (c'est-à-dire né dans l'île), Guillaume Brancher appartient à la classe des hommes libres. Son métier consiste à pister et à traquer les esclaves qui fuient les humiliations et les sévices abominables des planteurs blancs.

En effet les Noirs marrons (c'est-à-dire les esclaves fugitifs) se regroupaient en bandes pour se défendre et survivre sur les pentes des massifs montagneux, inhospitaliers mais offrant des refuges inexpugnables pendant un temps au moins. Lorsqu'éclatèrent les "guerres marronnes", les autorités «organisèrent des escouades de chasseurs créoles, qui étaient payés à l'esclave capturé ou mort. Pour preuve des décès, ces mercenaires rapportaient les mains des victimes, qui étaient clouées à des arbres sur les places publiques, "pour l'exemple".»

L'île fut découverte par les Portugais au début du 16e siècle mais ne fut exploitée qu'un siècle plus tard, lorsqu'elle devint la propriété du roi de France en même temps qu'une étape importante pour les compagnies commerciales françaises sur la route des Indes. En particulier, la Compagnie des Indes orientales envisagea d'en faire une colonie de peuplement et de rapport, et la terre fut partagée et distribuée aux colons blancs, d'origine française. Toutefois, la mise en valeur ne commença vraiment qu'avec l'arrivée d'une main-d'oeuvre abondante et à très bon marché, provenant de la traite des esclaves, arrachés aux côtes de l'Afrique orientale, de Madagascar et de la péninsule indienne.

A travers la vie de Guillaume Brancher, l'auteur met en évidence l'évolution des conditions de l'esclavage d'une époque à l'autre, entre celui du début de la colonisation, accompagné d'une réelle proximité et de nombreux métissages entre petits colons misérables et esclaves, et celui qui sévit au moment des grandes exploitations de café ou de canne à sucre, beaucoup plus brutal. La répression contre les esclaves fugitifs s'intensifia très vite au fur et à mesure que le nombre de ceux-ci augmentait, après 1730. Elle prit un tour sauvage et sanglant lors des "grandes peurs", nées des révoltes d'esclaves à l'origine des «guerres marronnes».

Le récit de Daniel Vaxelaire s'inscrit dans le contexte historique rappelé de façon réaliste. Il retrace avec force et émotion les vicissitudes des premiers habitants de cette île Bourbon et la condition terrible des esclaves noirs ou métis. Un livre à lire et à faire lire, pour comprendre ce que furent les débuts sanglants de la colonisation française dans cette partie du monde.

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