Le naufrage du "Ievoli Sun" : Le capitalisme, ça tue et ça pollue !03/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1686.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le naufrage du "Ievoli Sun" : Le capitalisme, ça tue et ça pollue !

Le chimiquier Ievoli Sun a coulé, mardi matin 31 octobre, au large du cap de La Hague, avec toute sa cargaison de 6 000 tonnes de produits hautement dangereux.

2 000 tonnes sont solubles dans l'eau mais ce n'est guère rassurant puisqu'il s'agirait de produits qui se décomposent au contact de l'eau... en acide chlorhydrique. Quant aux autres 4 000 tonnes, selon la préfecture maritime, elles seraient constituées d'un produit, le styrène, non seulement insoluble dans l'eau mais encore " très toxique, très corrosif et déflagrant ", c'est-à-dire susceptible d'exploser. Des spécialistes ajoutent également, histoire de compléter le tableau, que ce styrène " fait partie des produits potentiellement cancérigènes pour l'homme ", sans préciser les conséquences pour les poissons, la faune et la flore marines alentour.

En tout cas, sans préjuger de l'ampleur des dégâts et de la capacité existante de résorber la pollution marine que ce naufrage risque d'entraîner, il est survenu dans une zone fréquentée par de nombreux navires de pêche, chalutiers, ligneurs ou caseyeurs... On imagine mal que cette catastrophe leur soit profitable.

Et surtout, pourquoi et comment un tel naufrage, moins d'un an après la catastrophe de l'Erika, pour ne parler que de celle-ci et dans cette partie du monde, a-t-il pu survenir ? S'il est trop tôt pour définir précisément les responsabilités et les causes de ce qui s'est passé, en revanche bien des questions se posent, qui ne devraient pas se poser si tout avait été fait, dans ce cas-là comme dans les autres, pour assurer un maximum de sécurité au transport maritime des matières dangereuses, pétrole, produits chimiques et autres.

Pourquoi un tel navire, transportant de tels produits, a-t-il pris la mer malgré la force exceptionnelle de la tempête, présentée d'ailleurs comme l'une des responsables de la voie d'eau qui se serait ouverte dans la coque ? Il ne s'agissait pas d'une cargaison de médicaments indispensables, attendus, de vivres périssables, à livrer sans délai. Il n'y avait aucune urgence pour faire prendre des risques au transport de ces produits sur une mer déchaînée... sinon des urgences en matière de rentabilité, tout retard risquant de se traduire par un manque à gagner, voire par des pertes. Le tanker se dirigeait vers Berre. Qu'est-ce qui le pressait à ce point sinon des questions d'argent ?

Le navire lui-même avait été construit en 1989 et avait donc onze ans, ce qui paraît-il, n'est pas très vieux pour ce type de bâtiment. Il semblait également à peu près en bon état, contrairement à la situation lamentable dans laquelle se trouvait l'Erika. Mais certains soulignent cependant que son armateur est spécialisé, certes en transport de produits chimiques mais " sur de petites distances ", en cabotage, ce qui n'a évidemment rien à voir avec le transport de produits toxiques depuis la Hollande jusqu'au port de Bar sur la côte du Monténégro, pour le compte de Shell et d'Exxon-Mobil. En matière de qualité et de sécurité, lors d'un contrôle aux Pays-Bas, le Ievoli Sun avait d'ailleurs été gratifié par les spécialistes d'un coefficient seulement " moyen ". Et il n'est pas non plus très rassurant d'apprendre que la société de classification, chargée officiellement d'évaluer les défauts du bateau, était la même que celle qui avait certifié la navigabilité de l'Erika...

Moins d'un an après celle de l'Erika, voici donc une nouvelle catastrophe avec le naufrage du Ievoli Sun, tant il est vrai que l'irresponsabilité gouverne toujours ceux qui font des affaires dans le cadre de ce type de transport : les armateurs, les sociétés de contrôle, les transporteurs, les sociétés pétrolières et industrielles propriétaires des cargaisons, etc. Et face aux intérêts de ces gens-là, pour mettre la terre, la mer et l'humanité à l'abri de catastrophes écologiques ou autres, il faudrait beaucoup plus que les quelques paroles velléitaires du gouvernement Jospin et de son ministre PCF des Transports, Gayssot, qui avait annonçé des dispositions de prévention, de secours, de contrôle de la sécurité, etc., après le naufrage de l'Erika... et qui annonce maintenant qu'il va agir pour que l'Europe se hâte un peu moins lentement de prendre des dispositions.

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