Grande-Bretagne - Vache folle : Raison d'Etat et défense des trusts03/11/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/11/une-1686.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Vache folle : Raison d'Etat et défense des trusts

Après deux ans d'activité la commission d'enquête sur la maladie de la " vache folle " présidée par Lord Phillips vient de rendre son rapport. Ses conclusions peuvent se résumer en une phrase : " Le gouvernement a agi de façon totalement appropriée face à cette crise ". Tout au plus est-il fait référence à des " erreurs de jugement " faites par certains ministres sur la foi de rapports " ambigus " présentés par les hauts fonctionnaires et experts à leur service.

Voilà donc les ministres conservateurs, qui ont réussi à empêcher pendant douze ans toute mesure efficace contre le développement de cette maladie, lavés de toute responsabilité. Alors qu'il ressort de tous les documents et témoignages contenus dans les seize volumes constituant le rapport de la commission Phillips que c'est la négligence criminelle de ces ministres et leur volonté de ne pas porter atteinte aux profits des trusts de l'agro-alimentaire, qui a fini par entraîné la mise à bas de toute une partie du cheptel britannique et le développement d'une maladie chez l'homme qui a déjà fait 85 victimes en Grande-Bretagne et dont on craint qu'elle en fasse beaucoup d'autres, peut-être même des dizaines de milliers.

Il fallut en effet quatre ans à partir de la découverte du premier cas de " vache folle " en 1984 pour que le gouvernement britannique se résolve à imposer l'abattage des animaux malades pour empêcher que leur viande soit consommée par les humains et à interdire l'usage de cervelles et de tissus nerveux bovins dont les scientifiques pensaient qu'ils étaient le vecteur de dissémination de l'épidémie, dans la fabrication d'aliments pour bétail. Mais rien ne fut fait pour surveiller des abattoirs, dont les statistiques officielles disaient que 60 % n'étaient même pas aux normes d'hygiène de l'Union Européenne. Les inspections vétérinaires restèrent basées sur le volontariat et les effectifs des inspecteurs si réduits qu'ils n'auraient de toute façon pas pu faire face.

On ne saura sans doute jamais la quantité d'aliments bovins susceptibles d'être contaminés qui fut vendue en Grande-Bretagne au cours des années suivantes. Mais ce que l'on sait, c'est que cette interdiction de vente ne fut étendue aux exportations que huit ans plus tard, de sorte que quelque 200 000 tonnes d'aliments pour animaux susceptibles d'être infectés furent exportés en partie vers l'Europe, mais essentiellement vers les pays pauvres de l'ancien empire britannique et vers des pays comme la Turquie et la République Tchèque.

En fait toute la politique gouvernementale se résuma de 1984 à 1996 à celle définie par cette phrase d'un mémorandum interne datant de 1987 qui recommandait d'éviter toute publicité " susceptible de susciter des revendications hystériques en faveur de mesures gouvernementales draconiennes et le rejet des exportations britanniques ". Il fallait à tout prix protéger les intérêts des grands groupes de l'agro-alimentaire qui contrôlent la commercialisation de la viande de b.uf et de tout ce qui se rattache à l'élevage.

Face au tollé que les conclusions de ce rapport ont immédiatement suscité, les ministres de Blair se sont précipités à la rescousse de leurs homologues conservateurs. " On ne peut pas reprocher des erreurs de jugement à des politiciens ", s'est exclamé le ministre travailliste de l'Agriculture à la tribune du Parlement, ajoutant que " l'hygiène alimentaire n'aurait jamais dû relever de la responsabilité du gouvernement ".

Et du coup, le gouvernement travailliste a trouvé la parade en créant un organisme prétendument " indépendant " chargé de l'hygiène alimentaire, la Food and Safety Authority, dont les membres seront désignés par les " partenaires scientifiques et professionnels ". On y retrouvera donc demain des représentants des intérêts de l'agro-business, tout comme on en trouvait hier parmi les experts auprès des ministres conservateurs. La différence, dorénanavant, c'est qu'au cas où les choses tourneraient mal, comme dans la crise de la " vache folle ", les ministres pourront rejeter toute responsabilité en cas de problème sur cet organisme " indépendant ". Quant aux intérêts de la population, ils s'en lavent les mains.

La solidarité des politiciens de la bourgeoisie n'a pas de borne lorsqu'il s'agit de défendre leur rôle de défenseurs des profits capitalistes. Ils en font une affaire de raison d'Etat, qui ne doit en aucun cas être soumise au contrôle de la population. Parce que dans un Etat bourgeois, la raison d'Etat se confond toujours avec les intérêts capitalistes.

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