Procès du dopage : Ceux qu'on oublie de charger27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Procès du dopage : Ceux qu'on oublie de charger

Ca y est, Virenque a craqué ! Il a avoué s'être dopé, non pas " à l'insu de son plein gré ", mais en connaissance de cause. Comme le font les autres coureurs cyclistes et plus généralement tous les sportifs de haut niveau. Oui, ils se dopent. Personne ne l'ignore, à commencer par ceux qui font aujourd'hui des gorges chaudes des déboires et des démêlés publics du coureur cycliste.

C'est que dans tout cela il y a une dose, une overdose même, d'hypocrisie. Tout d'abord celle qui consiste à charger Virenque de tous les maux, alors qu'il est bien plus la victime - peut-être consentante, et sans doute pas la plus à plaindre - d'un système : l'hypocrisie de prétendre qu'il s'agit de sport, et qu'on chercherait à en faire quelque chose de propre, de sain. Alors qu'il s'agit, avant tout, pour ceux qui sont les maîtres du jeu, d'un spectacle, fort lucratif pour quelques sportifs vedettes, mais bien plus pour ceux qui en tirent profit, qu'il s'agisse des sponsors, des organisateurs, sans oublier un certain nombre de propriétaires de journaux et de chaînes de TV.

On parlait, dans le passé, des forçats de la route, ou de la foire aux muscles. On a assimilé les coureurs cyclistes, et d'autres sportifs, à des hommes-sandwichs. La comparaison est forte, mais elle n'a rien perdu de son actualité. C'est même tout le contraire. Il suffit de compter le nombre d'autocollants que les compétiteurs affichent sur leurs maillots, parfois leurs chaussures ou leur véhicule. Cette logique implique qu'il faut aller toujours plus vite, tenir toujours plus longtemps, pour être celui qui monte sur le podium, afin que les télés puisent filmer toutes ces marques. Et pour cela, tous les moyens sont bons. Et comme, en ce domaine comme dans d'autres, on ne peut croire aux miracles, qui, comme chacun sait, supposent trucages et artifices, on utilise des moyens qui aident " la nature " à se dépasser. Et il y a ceux qui pédalent, qui rament, qui courent, qui triment quelquefois pour un salaire de rêve, mais le plus souvent pour le rêve, le mirage de ces hauts salaires, et qui se dopent. Et ceux qui, copieusement, profitent de leur talent et de leurs efforts, dont les richesses sont dopées.

Derrière le spectacle, il y a aussi un autre calcul, lié au précédent. Celui qui consiste en même temps à faire rêver qu'il est possible d'accéder au paradis des riches, à force d'efforts, de sacrifices, pour peu qu'on ait les qualités, le talent et l'opiniâtreté nécessaires. S'il ne s'agissait que de faire vibrer devant la beauté d'un geste sportif, cela n'aurait rien de blâmable. Mais il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de faire fantasmer la population au travers de l'image de réussite qu'illustrent les rares champions (Combien sont-ils sur la planète ? Quelques centaines, au plus quelques milliers) qui peuvent vivre comme des riches. Ou presque. Car les vrais riches le sont bien plus qu'eux, et s'affichent bien moins devant les caméras. A l'inverse des champions, ils n'ont pas à jouer de leurs muscles et de leur dextérité. Du coup, ils n'ont nullement besoin d'EPO, pour ajouter des milliards à leurs milliards.

Oui, il s'agit de faire rêver qu'on peut sortir de la condition de pauvre, de déshérité. La recette n'est pas neuve. Déjà, dans l'Antiquité, les gouvernants et les riches Romains avaient su utiliser le procédé, et avaient même trouvé une formule pour la désigner : offrons au peuple " du pain et des jeux ", disait-on alors, pour l'anesthésier. Deux mille cinq cents ans après, les choses n'ont guère changé, sinon qu'elles ont pris une dimension planétaire.

Il y aurait un procès à faire, celui des organisateurs de ce spectacle, qui en tirent profit, matériellement et moralement. Mais ceux-là ne sont pas sur le banc des inculpés. On les trouve même parfois dans les rangs des professeurs de morale. C'est gonflé !

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