Lire : (réédition) Gouverneurs de la rosée (de Jacques Roumain)27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire : (réédition) Gouverneurs de la rosée (de Jacques Roumain)

(Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain, Editions Le Temps des Cerises, 200 pages, 95 francs)

Ce roman fut écrit en 1944 par l'écrivain haïtien Jacques Roumain, fondateur en 1934 du Parti Communiste Haïtien et auteur d'une publication s'intitulant " Analyse schématique ", qui dressait le constat de la situation catastrophique laissée dans l'île par l'occupation américaine. Cette publication regroupa autour d'elle tout un courant radical, qui à l'époque eut le courage de rompre avec le mouvement nationaliste et d'affirmer que, pour combattre le capitalisme étranger, il fallait aussi " combattre à outrance la bourgeoisie haïtienne et les politiciens bourgeois, valets de l'impérialisme, exploiteurs cruels des ouvriers et des paysans ". De telles idées valurent à Roumain d'être emprisonné puis exilé.

Son roman, qui n'avait pas été édité depuis plus de vingt ans, est pénétré de cette idée que les pauvres ne doivent pas se résigner à la misère mais s'unir pour lutter contre elle. Ces travailleurs," qui n'ont rien que le courage de leurs bras, pas une poignée de terre, pas une goutte d'eau sinon leur propre sueur ", ainsi qu'il l'écrit dans son roman, ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s'en sortir. Telle est la leçon que Manuel, le héros du livre, rapporte de Cuba, île voisine sur laquelle régnaient alors en exploiteurs sans merci les grands propriétaires de champs de canne à sucre.

Fils de petits paysans d'un village situé dans les collines, non loin de Port-au-Prince, Manuel revient à Haïti après des années d'exil, de dur labeur mais aussi de luttes. Il retrouve sa famille, les voisins, toute la population du village accablée par la misère, déclenchée par une sécheresse particulièrement longue et douloureuse, qui semble avoir tari toutes les sources. Au dénuement matériel s'ajoutent les divisions entre les familles, qui déchirent la communauté rurale et aggravent encore la détresse générale.

A travers l'histoire de Manuel et de ses retrouvailles avec le milieu de son enfance et de sa jeunesse, Roumain décrit de façon poignante la vie des paysans haïtiens. Ils ont contre eux une nature qui dans le livre leur est devenue soudain hostile, mais également les autorités et la police du coin, toujours disposée à prêter main-forte aux commerçants et prêteurs rêvant de s'approprier le lopin de terre de tous ceux qui flanchent. Les prêtres et les rites ancestraux appellent à l'acceptation de ce qui arrive. L'arrivée de Manuel, avec ses idées dangereuses aux yeux des autorités, va bouleverser la situation. "Nous sommes misérables" explique Manuel, " à cause de notre ignorance : nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, tous les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée. " Et face à la résignation désespérée apparaît soudain une perspective nouvelle.

Roumain a écrit son livre en 1944, mais la situation actuelle des paysans haïtiens n'est certainement pas meilleure que celle qu'il a dépeinte. C'est probablement pourquoi son roman touche autant, ce roman qui témoigne pour tous les exploités de la nécessité de ne pas se résigner, de trouver le courage de résister et le chemin de la solidarité de classe.

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