Lire : Il neigeait (de Patrick Rambaud)27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il neigeait, de Patrick Rambaud - Editions Grasset - 320 pages - 129 F (La Bataille, le précédent roman de Patrick Rambaud, a été republié en Livre de Poche).

Avec ce livre, Patrick Rambaud poursuit les récits consacrés aux guerres napoléoniennes. Son précédent roman, La Bataille, mettait en scène la bataille d'Eylau, qui loin d'être une victoire comme la légende (et les livres d'histoire) continuent de l'affirmer, avait surtout signifié un massacre des troupes. Cet autre roman, qui vient de paraître, relate quant à lui la campagne de Russie de 1812, dans laquelle un demi-million d'hommes furent engagés dans une aventure meurtrière, contraints et forcés pour la plupart. Les trois quarts y restèrent, transformant la France en " un pays de veuves ".

L'armée épuisée arriva aux portes de Moscou en juin 1812. Il était prévu que les hommes trouvent de quoi reprendre des forces en se servant, comme d'habitude, sur l'habitant. Or les généraux russes avaient vidé Moscou de ses habitants et de toute nourriture. Ne restaient plus que les repris de justice, libérés avant l'arrivée des Français, et des incendiaires qui avaient pour mission de réduire la ville en cendres. Et les uns après les autres, les quartiers brûlèrent, en effet. Les armées napoléoniennes durent alors évacuer la ville, dans une pagaille indescriptible, les civils mêlés aux soldats. Quand les généraux arrivèrent à reconstituer des unités, ils ne purent rien faire et ne tentèrent souvent même pas de discipliner cette masse d'hommes en haillons qui ne songeait qu'à fuir.

Dans l'espoir de conserver diamants, habits ou vaisselle volés, des blessés étaient jetés hors des voitures. On se chargeait de pièces d'or, pas de nourriture. Or les armées russes de Koutouzov, en bloquant le passage vers le sud, forcèrent les Français à reprendre la route de l'aller, le long de laquelle toutes les villes avaient déjà été abondamment pillées. Le fourrage manqua pour les animaux et l'hiver arrivait. Sans même se battre, les hommes mouraient chaque jour par milliers, de faim, de froid. Pour tenter de survivre, ce fut le chacun-pour-soi : on égorgeait celui qui possédait un peu de nourriture, on tranchait des morceaux de viande sur des chevaux vivants, anesthésiés par le froid, car les morts, congelés, ne pouvaient être découpés. Pour survivre, il valait mieux marcher qu'être transporté.

Quant à ceux que le froid épargnait, les généraux se chargaient de les faire périr, par des attaques impréparées, qui se transformèrent en hécatombes, ou par la destruction des ponts construits sur la Bérésina, sous prétexte de couper la route aux poursuivants alors que militaires et civils continuaient à les traverser ou étaient encore nombreux sur l'autre rive.

Dans ce roman, la prétendue épopée napoléonienne en prend un sacré coup. La campagne de Russie apparaît comme une aventure menée par un empereur mégalomane, toujours prompt à entendre les communiqués optimistes des courtisans ou des matamores comme le " roi de Naples ", son beau-frère, mais rabrouant les quelques généraux lucides qui l'encadraient, indifférent au sort des soldats dont seul le nombre lui importait, ne comprenant pas pourquoi les rois lui en voulaient, lui qui avouait " détester la révolution " et " arrêter le torrent de l'esprit révolutionnaire qui menaçait leur trône ".

Mais surtout, Patrick Rambaud montre la guerre telle que la vivaient les petites gens, soldats enrôlés sans avoir eu d'autre choix, civils entraînés malgré eux dans l'horreur et les massacres, tous victimes des appétits de puissance des grands de l'époque.

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