Des prions pour les vaches, des gros sous pour les industriels, et des crédits insuffisants pour la recherche scientifique27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Des prions pour les vaches, des gros sous pour les industriels, et des crédits insuffisants pour la recherche scientifique

L'annonce que la viande d'un troupeau de vaches, auquel avait appartenu une vache atteinte de la maladie de la vache folle, avait été vendue dans un grand nombre de magasins du groupe Carrefour, c'est-à-dire aussi les magasins Champion, Shopi et 8-à-8, a non seulement ému l'opinion mais aussi tous les éleveurs de bovins (1).

En fait, les magasins du groupe Carrefour n'y sont pour rien, l'erreur ou la tromperie serait au niveau de l'éleveur ou du négociant.

Il s'agissait d'une viande étiquetée " viande bovine française ", ce qui, à défaut de protéger réellement le consommateur, avait l'avantage hypocrite de le rassurer. Mais aujourd'hui le consommateur n'est plus rassuré, même si, comme il est vraisemblable, le risque est mineur.

La gravité éventuelle du fait, c'est que la viande du troupeau avait été commercialisée quinze jours avant la vache malade, ce qui fait que quand celle-ci a été détectée la viande du troupeau suspect avait été déjà consommée.

Pour les syndicats agricoles, il est bien évident qu'une nouvelle défiance des consommateurs risque de faire baisser les ventes. Certains demandent un test systématique de chaque bovin amené aux abattoirs.

Moins nombreux sont ceux qui réclament l'interdiction pure et simple de la fabrication et de la commercialisation de farines animales. En effet, de telles farines sont toujours fabriquées, malgré le danger manifeste qu'elles représentent, pour compléter la nourriture des porcs, des volailles et des truites d'élevage. L'argument est que ces animaux n'ont jamais présenté de symptôme analogue à la maladie de la vache folle.

Ceux qui réclament la systématisation des tests ne tiennent pas compte du fait que ces tests ne sont pas réellement fiables. La systématisation des tests serait donc bonne pour le commerce de la viande en rassurant les consommateurs, comme l'ont fait les étiquettes " viande bovine française ". Mais cela n'apporterait pas une sécurité totale pour les consommateurs.

De plus, cette mesure, si elle rapporterait aux professionnels de l'industrie pharmaceutique, coûterait très cher à l'Etat. Il y a le coût du test lui-même, mais aussi le coût de la main-d'oeuvre ; car il faut un personnel spécialisé. Il faudrait, une fois la bête abattue, attendre les résultats, car les tests ne peuvent se faire que sur le système nerveux des bêtes abattues et, bien entendu, cela obligerait à stocker les carcasses.

L'interdiction totale de la fabrication et de l'utilisation de farines animales avait été envisagée dès le début de l'épidémie de la maladie de la vache folle. Mais cela avait été écarté pour des raisons strictement économiques et c'est là que l'utilisation n'a alors été interdite que pour les bovins. Mais un éleveur qui élève à la fois des bovins et des porcs ou des poulets peut bien entendu acheter librement ces farines et en détenir, et il n'y a aucun contrôle possible sur ce qu'il peut en faire, volontairement ou involontairement. De plus, au niveau de la fabrication, des contaminations sont possibles. Un fabricant d'aliments dans lesquels on avait décelé une proportion minime (mais même une faible proportion est dangereuse) de produits d'origine animale, s'est justifié par le fait qu'il fabriquait successivement des aliments avec et sans farine animale, et qu'il ne pouvait pas systématiquement nettoyer ses silos entre deux fabrications.

De plus, interdire totalement ces farines animales c'était toucher aux intérêts des entreprises qui les fabriquent, le plus souvent filiales de trusts agro-alimentaires.

Un autre problème était que les cadavres d'animaux qui mouraient de maladie dans une ferme ou qui étaient, pour une raison ou pour une autre, déclarés impropres à la consommation humaine, étaient gratuitement ramassés par les équarrisseurs qui les transformaient en farine animale et qui se remboursaient ainsi du ramassage des animaux morts.

Donc, si l'on interdisait les farines animales, ils laisseraient les carcasses d'animaux morts chez les paysans, à charge pour ceux-ci de se débrouiller.

Alors le gouvernement a composé et a accepté cette solution mixte qui peut être une solution très dangereuse. D'autant plus qu'on ne sait pas si, sans être atteints de cette maladie, les porcs, poulets ou poissons ne peuvent pas être porteurs " sains " des fameux prions, agents de la maladie. Et ils peuvent peut-être devenir un jour sensibles à la maladie, répétant l'histoire des bovidés, qui n'étaient pas contaminables dans le passé mais qui le sont devenus à force d'être rendus carnivores, malgré eux, par l'imprudence capitaliste.

Les bovins abattus parce que susceptibles d'être atteints de la maladie de la vache folle sont maintenant brûlés à haute température dans des installations spéciales, car les prions résistent à de très hautes températures, supérieures aux températures atteintes dans la fabrication des farines animales, et ne sont pas détruits par une stérilisation normale. L'Etat a d'ailleurs gracieusement subventionné les industriels qui ont transformé leurs installations pour pouvoir procéder à cette opération.

Aujourd'hui, il y a même des journalistes pour demander : " Mais que font les scientifiques ? Pourquoi n'inventent-ils pas, vite, des tests plus fiables ? ". Comme si on pouvait inventer sur commande. Déjà pour nombre de maladies virales humaines, il n'y a pas de vaccin, malgré les recherches et les efforts. Pour les tests, il en va de même.

De plus, c'est lors de ces affaires catastrophiques que l'on se rend compte que le budget consacré à la recherche en général, que ce soit la recherche pure ou la recherche appliquée, est plus qu'insuffisant.

Si l'Etat consacrait plus d'argent à la recherche, au lieu d'en faire cadeau aux classes sociales qui n'en ont pas besoin, peut-être les laboratoires de recherche publics seraient-ils en situation de contrôler mieux, de consacrer plus de chercheurs, plus de temps, plus de moyens à de tels problèmes.

Alors, pour le moment, la seule véritable solution qui peut protéger immédiatement les consommateurs, pour le présent et pour l'avenir, c'est l'interdiction totale de la fabrication, de l'importation et de la commercialisation des farines animales. Cela coûterait, à tout prendre, bien moins cher en termes d'économie, et surtout en termes de santé publique, que les mesures bâtardes actuelles ou même que la généralisation des tests qui n'offriront jamais aucune garantie, y compris contre les malversations contre lesquelles il n'y a pas de vaccin, on le voit dans le sport.

Et les animaux d'élevage, eux, ne sont vraiment drogués qu'à " l'insu de leur plein gré ".

R.G.

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