Côte-d'Ivoire : Des élections à la tentative de coup de force27/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1685.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d'Ivoire : Des élections à la tentative de coup de force

En Côte d'Ivoire, deux jours après les élections du 22 octobre, et lorsqu'il est apparu que celles-ci donnaient la victoire à son rival Laurent Gbagbo, le général Gueï a tenté un coup de force pour s'autoproclamer président. Des manifestations ont alors éclaté, à l'appel notamment de Laurent Gbagbo qui n'entendait pas se faire voler sa victoire, puis des affrontements semblent avoir eu lieu au sein de l'armée. Car c'est bien finalement cette attitude de l'armée qui pouvait faire que la situation bascule en faveur de Gueï ou en faveur de Gbagbo.

Le général Gueï, le chef de la junte militaire qui s'est emparée du pouvoir, il y a dix mois, à la faveur d'un coup d'Etat et qui s'était autoproclamé le " candidat du peuple ", n'a donc en tout cas pas réussi à légitimer son pouvoir. Il n'avait d'ailleurs pas attendu que les résultats du scrutin confirment sa défaite pour faire quadriller les principales villes du pays par l'armée et interdire toute manifestation. Quant à la proclamation des résultats officiels, elle a été suffisamment repoussée pour laisser libre cours à toutes les manipulations.

De son côté, Laurent Gbagbo, le leader du Front Populaire Ivoirien et seul adversaire sérieux de Gueï, après que la justice a décidé d'écarter 14 des 19 candidats déclarés, dont les représentants des deux principaux partis d'opposition, s'est empressé d'annoncer sa victoire, sur la base de ses propres résultats qui le donnaient alors gagnant avec plus de 61 % des suffrages, contre 25,5 % à Gueï, avec une participation de seulement 35 % des électeurs inscrits.

Le général Gueï avait promis de rendre le pouvoir aux civils et de respecter les résultats du scrutin quoi qu'il advienne. Mais ses tentatives d'intimidation durant la campagne électorale comme les réactions de ses proches au lendemain du scrutin montraient bien qu'il n'avait pas l'intention de laisser la place.

Que Gueï réussisse finalement à se maintenir au pouvoir ou qu'il se résigne à céder la place à Gbagbo, ou encore qu'ils trouvent un arrangement pour se partager le pouvoir, la majorité de la population laborieuse, elle, n'est pas près de voir sa situation s'améliorer alors qu'elle s'enfonce de plus en plus dans la misère.

Pire encore, pour discréditer Alassane Ouattara qui apparaissait comme leur principal rival dans la course à la mangeoire présidentielle, aussi bien Gueï que Gbagbo ont repris le thème nationaliste de " l'ivoirité ", opposant les " Ivoiriens de père et mère " aux " allogènes ", et plus particulièrement aux gens du Nord, voisins du Burkina-Faso. Ce faisant, ils ne se sont pas seulement forgé des arguments pour évincer Ouattara au nom de ses " origines douteuses " (il est originaire d'une peuplade du Nord, à cheval sur la Côte-d'Ivoire et le Burkina), ils ont aussi attisé les tensions et encouragé les exactions xénophobes, dans un pays qui compte près d'un tiers d'immigrés au sein de sa population.

La presse a d'ailleurs fait état d'affrontements sanglants qui ont à nouveau opposé dans le sud-ouest, où la misère amplifie les conflits fonciers, des ouvriers immigrés et des membres de l'ethnie locale, les Kroumens. Plusieurs ressortissants burkinabés auraient été massacrés aux cris de " La Côte-d'Ivoire aux Ivoiriens " et de " Dehors les Burkinabés ! ". D'autres témoignages font également état de violences, voire de lynchages dans certains quartiers d'Abidjan, la capitale.

Ce type de politique nationaliste, sur fond de grave crise économique et politique, pourrait bien, si elle se poursuit, mettre le feu aux poudres. Elle peut fournir des appuis aux différents clans qui semblent en passe de s'affronter pour le pouvoir et risque de plonger la Côte-d'Ivoire dans un bain de sang.

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