Un système fiscal au service des plus riches06/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1682.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Un système fiscal au service des plus riches

Nul ne peut dire ce qu'il y a de vrai dans le feuilleton de la cassette vidéo accusant Chirac d'être personnellement mêlé à une distribution de pots -de -vin au RPR (dont auraient aussi profité d'autres partis politiques), ni dans la manière dont l'original de cette cassette aurait été " égaré " par l'ancien ministre des Finances socialiste Strauss-Kahn. Mais il y a au moins une chose de certaine, puisque Strauss-Kahn lui-même l'a reconnue : il a bien accordé une remise de 34 millions au couturier Karl Lagerfeld sur le montant de 85 millions d'impôts que celui-ci devait au fisc. Il a même présenté comme une réussite personnelle le fait d'avoir fait rentrer 46 millions (sur les 80 qui étaient dus) dans les caisses de l'Etat.

Cela, Strauss-Kahn ne l'a pas nié, parce que ce genre de chose est légal, normal aux yeux de ces gens-là et que c'est finalement pratique courante. Quand les grandes entreprises, les riches bourgeois, rechignent à payer leurs impôts, les hauts fonctionnaires négocient avec eux. Quand c'est un simple salarié qui ne paie pas ses impôts, il n'y a ni discussion ni négociation. Beaucoup ont été saisis pour des sommes qui ne faisaient pas le dix millième des dettes de Lagerfeld.

Et si ce cadeau fait à un grand couturier multi-millionaire n'a été présenté que comme un fait accessoire, il constitue pourtant ce qu'il y de plus révoltant dans cette affaire. Justement parce que c'est une pratique courante.

Le Premier ministre, Jospin, pour répondre à ceux qui accusaient l'Etat de s'enrichir grâce à la hausse des carburants, a récemment déclaré que l'Etat n'était pas un usurier, mais qu'il avait un rôle de redistribution des richesses. Seulement, cette redistribution, loin de compenser les inégalités, les aggrave, car elle transfère scandaleusement de l'argent des plus pauvres vers les plus riches.

Côté rentrées, les ressources de l'Etat proviennent bien plus des impôts indirects que de l'impôt sur le revenu. Et ces impôts indirects sont particulièrement injustes, parce qu'ils frappent au même taux les plus pauvres et les plus riches, le smicard et son patron, le SDF et le riche oisif.

Quant à l'impôt sur le revenu, les salariés n'ont aucun moyen d'y échapper. Mais les revenus du capital sont moins taxés que ceux du travail et, grâce à l'avoir fiscal, bien des bourgeois en sont exemptés.

En ce qui concerne les bénéfices des sociétés, ils étaient frappés en 1981 d'une taxe de 50 %. Elle n'est plus aujourd'hui que de 37 % et, selon le plan Fabius, elle sera ramenée à 33,3 % en 2003. Qui oserait prétendre qu'il s'agit là d'une mesure pour lutter contre le chômage, alors que le chômage était justement inférieur en 1981 à ce qu'il est aujourd'hui ?

Côté dépenses, l'Etat et les collectivités territoriales (conseils régionaux et conseils généraux) multiplient les subventions à fonds perdus aux entreprises, en s'abritant toujours derrière la même justification mensongère de la lutte contre le chômage. On nous dit qu'il s'agit généralement d'entreprises de taille modeste qu'il faut aider à vivre. Mais il s'agit le plus souvent de filiales de grands groupes, qui encaissent depuis des années des millions de bénéfices.

Et quand le gouvernement prétend alléger les impôts pour tous, on a vu avec les récentes mesures annoncées par Fabius ce que cela donne : quelques miettes pour les travailleurs, de vrais cadeaux pour les bourgeois. Car la fiscalité est à l'image de cette société où tout est fait pour le plus grand profit de ceux qui sont déjà les plus riches.

Et si l'on va sans doute encore beaucoup parler des " affaires " dans les mois qui viennent, c'est dans la loi elle-même, qui sacralise la propriété privée des grands moyens de production, qui permet aux grandes sociétés de supprimer des milliers d'emplois, y compris quand elles font des bénéfices fabuleux, que réside le plus grand scandale.

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