Jérusalem : Les retombées sanglantes de la prétendue paix d'Oslo06/10/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/10/une-1682.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Jérusalem : Les retombées sanglantes de la prétendue paix d'Oslo

Depuis plusieurs années, il existe au sein de notre organisation une tendance minoritaire. Cette tendance soumet des textes différents de ceux de la majorité au vote de nos camarades lors de nos conférences nationales. Mais elle s'est exprimée aussi, à chaque fois qu'elle l'a désiré, dans les bulletins intérieurs de notre organisation.

Ces camarades ont demandé à se constituer en tendance structurée ou, autrement dit, en fraction.

C'est pourquoi ils s'expriment dorénavant chaque semaine à cet endroit, dans les colonnes de notre hebdomadaire, parfois pour défendre des opinions identiques ou semblables à celles de la majorité, parfois pour défendre des points de vue différents.

Plus de cinquante morts et 600 blessés du côté palestinien : c'est le bilan provisoire des affrontements qui ont démarré vendredi dernier autour de la mosquée El-Aqsa à Jérusalem, opposant Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes.

Les responsabilités du côté israélien sont écrasantes : lorsque Ariel Sharon - cet ancien général de l'armée israélienne responsable des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth en 1982 - a choisi de se rendre la veille sur l'esplanade des mosquées, il ne pouvait ignorer la portée de son geste dont les conséquences étaient parfaitement prévisibles. Toute aussi évidente est la complicité d'Ehoud Barak, l'actuel chef du gouvernement " de gauche " israélien, qui non seulement ne s'y est pas opposé, mais l'a ensuite blanchi en déclarant que sa visite ne pouvait pas être considérée... comme une provocation !

Il y a eu d'autres affrontements sanglants depuis le démarrage du processus de paix il y a sept ans. En 1996 déjà, la décision du gouvernement israélien de percer un tunnel sous la vieille ville avait fait près de 80 morts et des centaines de blessés. Depuis, le contexte a sensiblement évolué. Les " lieux saints " et la ville de Jérusalem ne constituent pas les seuls abcès de fixation mais aussi toutes les colonies juives de ces territoires. C'est de fait tout le processus de paix qui est mis en cause, lequel justement ne prévoit surtout pas de restituer aux Palestiniens ni la partie est de Jérusalem ni les territoires occupés par ces colonies.

De compromis en compromis, Arafat n'a pas seulement reculé sur les échéances initialement prévues par les accords d'Oslo, provoquant un peu plus la désillusion et l'amertume parmi les Palestiniens. La poursuite de la colonisation a rendu un peu plus illusoire l'éventualité d'un Etat palestinien réellement indépendant. Et surtout les négociations de Camp David en juillet dernier ont sonné le glas d'un règlement acceptable : sur les réfugiés, Jérusalem, les colonies et les questions de sécurité, la position d'Ehoud Barak est demeurée intransigeante. Aux pressions de Bill Clinton - promettant au passage plusieurs dizaines de milliards de dollars si Arafat cédait - ce dernier a répondu qu'en acceptant un tel accord, il signait inévitablement son arrêt de mort. Tant il est certain que les bases actuelles du " règlement de paix " sont totalement inacceptables pour les Palestiniens.

Jamais la position d'Arafat n'a été aussi fragile. La menace - sans cesse reculée - de proclamer unilatéralement l'indépendance de l'Etat palestinien ne fait plus peur à personne, ni à Israël ni aux gouvernements occidentaux. Significative aussi est l'attitude de la police palestinienne lors des événements actuels. Elle a été accusée par les autorités israéliennes d'avoir orchestré les affrontements avec l'armée israélienne, ce qui est probablement un mensonge. Ce qui est vraisemblable, par contre, c'est que des policiers ont rejoint les manifestants, non sur ordre d'Arafat qui continue à vouloir se rendre indispensable en maintenant l'ordre, mais parce que même parmi ses partisans, le rôle qu'on veut leur faire jouer n'est sans doute plus tenable.

Reste une inconnue : que cherchait Ehoud Barak en laissant Ariel Sharon monter sa provocation ? Voulait-il simplement donner des gages au Likoud et à l'extrême droite dans l'espoir de sauver sa coalition en sursis depuis plusieurs mois, tout en espérant qu'une fois l'orage passé Arafat continuera comme par le passé à avaler toutes les couleuvres ? Ou a-t-il fait le choix de tirer un trait définitif sur les accords de paix tout en faisant porter la responsabilité aux Palestiniens accusés de provocation ? Cela dépend en partie des conclusions que les Israéliens tirent de leur départ récent, précipité et peu glorieux du Sud-Liban : un encouragement à rechercher un compromis ou au contraire à l'intransigeance ?

Une chose est sûre : l'accord de paix que les Occidentaux prétendent appeler de leurs voeux ne pourrait être qu'un accord de dupes pour les Palestiniens même dans le cas où ces derniers seraient en mesure de bousculer un peu l'armée israélienne au moment de son retrait et arracheraient quelques concessions supplémentaires. Un tel accord ne sera jamais accepté par une part notable de la population palestinienne.

Mais les événements actuels montrent en même temps les limites qu'il y a à mener des combats sur le seul terrain du nationalisme. Nul ne sait encore si ces événements seront ou non le point de départ d'une nouvelle guerre des pierres. Mais celle-ci a déjà montré ses limites. Pour changer le rapport de force, il faudrait aussi que les Palestiniens soient en mesure de trouver de sérieux points d'appui dans la société israélienne. Il faudrait pour cela mener une politique qui cherche délibérément à s'adresser aux travailleurs israéliens sur des perspectives communes : la paix bien sûr, mais celle-ci n'aura des chances réelles d'être viable que dans une société capable d'offrir à chacun suffisamment de bien-être pour que personne n'ait envie de défendre le peu qu'il a derrière des mitrailleuses et des miradors.

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