Chevènement 3 : A quand le retour ?01/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1677.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Chevènement 3 : A quand le retour ?

Le vrai-faux suspense qui laissait les Français, en tout cas les journalistes, haletants, est enfin terminé. Chevènement, après avoir soigneusement mis en scène l'opération, a annoncé son départ du gouvernement. Il est vrai qu'en ce domaine, il commence à avoir du métier, puisque c'est la troisième fois qu'il fait le coup.

Aussitôt, les pleureuses et les rieurs des deux camps, de la droite ou de la gauche, saluent l'homme qui sait dire " non ", qui a su rester fidèle à ses convictions. A les croire, cela signifierait que ce serait une qualité rare dans le petit monde politicien. Cela n'est guère charitable pour les autres !

Mais Chevènement est-il aussi différent qu'on le dit de ses confrères ? Il a démissionné en 1983 pour, disait-on, protester contre la politique de rigueur du gouvernement Mauroy dont il était ministre. Mais cela ne l'a pas empêché de rempiler quelques années plus tard, en tant que ministre de la Défense en 1988, dans un nouveau gouvernement socialiste, pratiquant pourtant toujours cette même politique de rigueur à l'égard des travailleurs.

Il a démissionné de nouveau en 1991 parce que, disait-il, il n'approuvait pas la participation de la France à la guerre du Golfe, expliquant qu'il ne voulait pas jouer " le rôle de harki d'une ratonnade américaine dans le Golfe ". Ce qui ne l'empêcha pas de rejoindre une troisième fois le gouvernement PS, celui de Jospin, en tant que ministre de l'Intérieur cette fois, et de cautionner l'attitude de son gouvernement lors de la guerre du Kosovo.

Quant à son attitude à l'égard de la régularisation des sans-papiers, elle ne caractérise pas, c'est le moins que l'on puisse dire, une honnêteté et une franchise extrêmes. Certes, lui ne s'était engagé à rien - mais ce n'était pas lui qui était destiné à diriger le gouvernement. Il aurait pu, lui, l'homme de conviction, dire que son futur patron mentait lorsqu'il prétendait qu'il allait abolir les lois Pasqua-Debré, et régulariser tous les sans-papiers qui en feraient la demande. Alors, homme de principe, Chevènement ? Tout comme ses congénères de la politique, il dispose de cette souplesse d'échine synonyme, dans le petit monde des énarques dont il fait partie, de ce que l'on appelle le sens de l'Etat.

Cependant on aurait tort de lui dénier une certaine continuité d'idées. Républicain, nationaliste, souverainiste, c'est-à-dire se référant à des valeurs dont la droite se pare traditionnellement, il l'a semble-t-il toujours été. Ses biographes rappellent qu'encore étudiant il aurait flirté avec un petit groupe qui s'appelait " Patrie et Progrès ", qui cherchait une voie médiane entre un socialisme patriotique et une révolution nationale. Cela ne l'a pas empêché de se prétendre un champion du marxisme, qu'il prétendait être un horizon indépassable. Il a même animé une tendance du PS qui passait pour se situer à la gauche du parti, ce qui, soit dit en passant, n'est pas une performance. Et certains l'ont cru, ou ont fait semblant de la croire. Il y a donc au-delà de ses contorsions une continuité dans la démarche de Chevènement : celle d'un homme d'Etat fidèle à la défense des intérêts de la bourgeoisie. Il y a aussi une autre fidélité dans cette démarche : la fidélité à l'idée qu'il a de lui-même, une fidélité qui ne s'est jamais démentie.

Et c'est certainement cela qui explique sa démission d'aujourd'hui. Car c'est moins les divergences entre lui et Jospin sur le plan proposé par ce dernier pour la Corse qui expliquent son geste, que de mesquins calculs politiciens. Chevènement ambitionne-t-il d'entrer en compétition avec son " ami " Lionel, à l'occasion de l'élection présidentielle de 2002 ? Pense-t-il en avoir les moyens ? En tout cas il sait qu'il peut, s'il est candidat, même avec quelques pour-cent, les utiliser comme éléments de marchandage. Pas besoin d'être sorti de l'ENA pour savoir que la vie politicienne est faite de ces sordides manipulations.

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