Quand les patrons se plaignent des difficultés de recrutement02/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1664.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Quand les patrons se plaignent des difficultés de recrutement

Au moment où le gouvernement claironne que le taux de chômeurs - ceux qu'il veut bien compter comme tels, bien sûr - est passé en dessous des 10 %, les patrons du Medef en revendiquent... le mérite. C'est " grâce au dynamisme des entreprises françaises " si le chômage recule, dit le Medef - le même qui, il y a quelques semaines expliquait, par la voix d'un de ses dirigeants, que " les entreprises n'avaient été en rien responsables de la remontée du chômage dans les années 1990 ". Bref, ce sont les entreprises qui embauchent, mais ce ne sont pas elles qui licencient, c'est bien connu !

De toute façon, la mauvaise foi n'étouffe pas le Medef. Le fait qu'à en croire Jospin 10 % de la population active soit au chômage - ce qui est quand même énorme en soi - n'empêche pas certains patrons de pleurnicher parce qu'ils manqueraient de main-d'oeuvre, ni le quotidien patronal Les Echos de parler hypocritement à ce sujet de " tensions sur le marché du travail ".

Mais de quoi se plaignent donc les patrons ? D'un côté, on nous parle d'entreprises qui ne trouvent pas le personnel qualifié dont elles ont besoin. Le même quotidien Les Echos, dans son numéro du 30 mai, cite une entreprise dans ce cas. Mais il est vrai, ajoute-t-il, que le " contenu des emplois a changé (...) Il faut aussi être polyvalent ". Evidemment, on conçoit qu'il soit difficile de trouver l'homme ou la femme-orchestre qui sache tout faire. Mais à qui la faute, sinon à la politique de patrons cherchant à remplacer plusieurs salariés et leurs compétences, par un seul ?

Quant à la sous-qualification des demandeurs d'emploi dont se plaignent ces mêmes patrons, qu'ils s'en prennent à eux-mêmes. S'il y a des formations pour les chômeurs, ce n'est certainement pas grâce au patronat, mais au contraire grâce aux subsides que lui distribue l'État. Et si ces formations sont souvent bidon, c'est parce que bien des entreprises s'en servent pour se payer une main-d'oeuvre à bon marché tant que durent les subsides alloués, sans se soucier le moins du monde de la formation des stagiaires.

On nous parle également de toutes ces offres d'emploi qui resteraient sans réponse pendant des mois. Or, parmi les secteurs ayant paraît-il de tels problèmes de recrutement, on trouve cinq des six secteurs où le taux de smicards est le plus élevé - le textile, l'agro-alimentaire, l'hôtellerie-restauration, l'habillement et le commerce de détail. A côté, on trouve le gros oeuvre du BTP, le travail des métaux, les travaux agricoles, etc.. c'est-à-dire des secteurs où les conditions de travail sont notoirement dangereuses. Et il faudrait s'en étonner à une époque où les conditions faites aux salariés se dégradent partout, et plus particulièrement dans ces secteurs ? Là encore, à qui la faute ? Ce ne sont pas les chômeurs qui s'attaquent aux salaires et aux conditions de travail pour augmenter les profits ! Et si des cuisiniers ou des ouvriers du bâtiment en arrivent à abandonner leur qualification pour aller travailler sur des chaînes de montage, qui peut oser le leur reprocher ?

Le patronat justement. C'est le sens du fameux CARE, ou " Contrat d'Aide pour le Retour à l'Emploi " proposé par le Medef et qui viserait à créer une procédure automatique destinée à contraindre les chômeurs à prendre le premier emploi venu.

Il s'agira d'" aider ", de " conseiller ", pas vraiment de contraindre, dit le Medef. Il n'empêche que l'objectif visé reste le même et que toute cette campagne sur de prétendus manques de main-d'oeuvre ne sert qu'à justifier par avance un nouveau tour de vis contre les chômeurs, et donc contre l'ensemble du monde du travail - un tour de vis auquel celui-ci aura tout intérêt à s'opposer.

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