Marseille : Les CRS à l'assaut... des "tatas"02/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1664.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Marseille : Les CRS à l'assaut... des "tatas"

Il était midi, mardi 23 mai. Devant la mairie de Marseille, face au Vieux Port, sous un chaud soleil, 200 " tatas " étaient attaquées par les CRS. En apprenant la nouvelle, tous les Marseillais ont été choqués car tous connaissent les " tatas ", surnom affectueux donné à celles qui assurent le service dans les écoles et la surveillance des cantines scolaires.

La grève des " tatas "

Il y avait déjà plus de dix jours que les " tatas ", agents de service des écoles, faisaient grève de 11 heures à 14 heures. Plus de 100 cantines furent fermées sur les 317 cantines scolaires de la ville où chaque midi 47 000 petits Marseillais prennent leur repas, soit les deux tiers des écoliers. Les parents et les instituteurs les soutenaient. Les parents s'arrangeaient entre eux pour garder les enfants. Dans deux écoles, les parents ont organisé des pique-nique en soutien à la grève.

La Ville de Marseille a, pour quota de surveillance des cantines, un adulte pour faire manger trente enfants en maternelle et un pour soixante dans le primaire. De l'avis unanime, c'est tout à fait insuffisant. La mairie se défend en disant que le personnel est complété par des CES, des emplois-jeunes, des vacataires de la CAF.

Mais en fait les " tatas " n'arrêtent pas de courir : elles doivent faire tout le ménage de l'école, aider les institutrices, surveiller la cantine, c'est-à-dire couper la viande des enfants, leur apprendre à se servir, non de leurs doigts, mais d'un couteau et d'une fourchette, essayer de faire le calme, de vérifier que chacun est servi et a mangé, nettoyer les dégâts, surveiller la sieste.

Et elles ne sont pas assez nombreuses pour tout cela.

Par exemple, dans une école du centre ville, il y a en principe sept postes et demi. Il est arrivé que quatre soient absentes sans être remplacées. D'ailleurs l'une est en longue maladie et n'est pas remplacée. Elles doivent assurer le travail pour neuf classes de vingt-cinq enfants. Elles ont bien l'aide de quelques emplois-jeunes mais qui ne se sentent pas trop impliqués.

D'ailleurs quand l'effectif est au complet, ce n'est pas mieux car l'une ou l'autre doit partir remplacer une absente dans une autre école pour l'heure de la cantine.

La journée de travail est lourde car la plupart travaillent de 7 heures à 16 heures avec une pause d'une demi-heure. Le salaire est, par exemple, de 7 700 F net par mois, primes comprises, pour une ATSEM (agent technique des écoles maternelles) avec 5 ans d'ancienneté.

Les " tatas " se sont mises en grève, à l'appel de la CGT, rejointe par la CFDT, pour demander l'embauche des précaires, la suppression des horaires de 25 h 30 qui ne permettent de gagner que l'équivalent du RMI, l'embauche de nouveaux agents de service. Et elles veulent de véritables emplois qui permettent aux enfants de connaître leurs " tatas " et à celles-ci de connaître les enfants et qu'il n'y ait pas besoin de courir toute la journée. A se demander s'il ne faudrait pas revendiquer aussi des rollers !

Les grévistes sont allées manifester plusieurs fois devant la mairie, laquelle n'était pas pressée de leur donner satisfaction.

Une attaque brutale de la police

Et ce 23 mai, alors qu'elles bloquaient le quai devant la mairie, attendant le compte-rendu d'un syndicaliste de la CFDT, les CRS ont avancé. Elles se sont assises sur la chaussée, décidées à entendre ce qu'on avait à leur dire. C'est alors que les CRS, à la surprise générale, ont brutalement chargé, traînant des femmes au sol, lançant des gaz lacrymogènes. Ce fut tellement brutal que deux " tatas " furent emmenées sous oxygène à l'hôpital.

Pendant l'assaut des CRS, des individus, en civil, sans brassards, qui se révélèrent être membres de la BAC (Brigade anticriminalité), se ruaient sur trois syndicalistes, les molestaient, les menottaient, les tiraient par les menottes et les embarquaient à l'Évêché, l'hôtel de police de Marseille. Les manifestants se regroupèrent devant l'Évêché en réclamant la libération des syndicalistes qui furent relâchés deux heures plus tard.

Des revendications obtenues

Jeudi 25 mai, à 11 h 30, devant la mairie, une manifestation a réuni 300 personnes qui n'étaient plus seulement des " tatas ".

La mairie ayant enfin accepté de prendre quelques mesures, la CGT et la CFDT appelaient à reprendre le travail : les horaires à 25 h 30 seront supprimés définitivement à partir de janvier 2001, 170 agents passent à temps complet, le temps de ménage devrait être plus élevé pour les classes pédagogiques et le nombre de remplaçantes augmenté. La moitié des CES et la moitié des vacataires passeraient à 31 h 30 et donc auraient le statut de la fonction publique. Un concours d'ATSEM serait ouvert pour recruter 78 agents des écoles maternelles, puis un nouveau concours serait ouvert en 2001.

La mairie, qui a bien de l'argent pour des dépenses de prestige, en a trouvé un peu pour les enfants des écoles publiques et pour les femmes qui s'en occupent. Il aura quand même fallu plus de deux semaines de grève pour cela, et il reste encore bien des points à conquérir !

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