Logements HLM : C'est la loi du profit qu'il faut démolir02/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1664.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Logements HLM : C'est la loi du profit qu'il faut démolir

Samedi 27 mai, la plus grande barre HLM d'Europe, baptisée " la Muraille de Chine " et située à Saint Etienne, a été détruite. Le 8 juin, ce sera une autre barre de 362 logements, cette fois dans la cité des 4 000 à La Courneuve. Et d'autres suivront.

En fait, depuis plusieurs années, le rythme de démolition des immeubles HLM s'est accéléré : on est ainsi passé de 1 291 logements démolis en 1995 à plus de 5 000 en 1999. Pour cette année, plus de 12 000 démolitions de logements sont programmées.

L'Etat justifie cette politique par l'état de décrépitude, qui est réel, de ces logements qui rend inconcevable toute rénovation. On en est arrivé à une situation aberrante qui consiste à dépenser des dizaines de millions de francs - le coût de démolition d'un logement était de 100 000 F en 1995- pour détruire des logements, alors que tant de personnes ne disposent pas d'un toit pour s'abriter.

La construction des cités avec son lot de barres et de tours a débuté dans les années soixante et s'est amplifiée jusqu'au milieu des années soixante-dix. Il s'agissait alors pour l'Etat de faire face au plus pressé, à la pénurie de logements qui se traduisait entre autres par l'existence de vastes bidonvilles à la périphérie des grandes villes.

Mais cet effort de construction, très largement subventionné par l'Etat, s'est fait sous l'égide du secteur privé. Rois du béton, promoteurs, architectes furent les maîtres d'oeuvre de ces énormes chantiers qui fournirent l'occasion d'amasser le plus gros magot possible.

Pour construire à la fois très vite, et à moindre coût (mais pas à moindre prix), ces " bâtisseurs " eurent recours aux nouvelles techniques industrielles du bâtiment : le long du " chemin de grue ", on empila à toute vitesse les plaques de béton, dites de " préfabrication lourde ". C'est de cette façon que furent construits en dix ans, entre 1958 et 1968, plus d'un million de logements. Résultat : des constructions monotones, où l'on entassa des centaines de milliers de familles dans des blocs de bétons qui se dégradent rapidement, mal isolées en particulier du bruit, et au confort minimum. Et par-dessus tout cela, la crise toucha de plein fouet ces cités où se logeait la partie la plus pauvre de la population ouvrière. Et on vit dès lors se multiplier les problèmes qui sont inévitables lorsque se retrouvent concentrées des familles entières réduites au chômage.

Aujourd'hui, les gouvernements parlent à propos de ces constructions des " erreurs " de l'urbanisme des années soixante. Et à qui la faute ? Aujourd'hui, que font-ils ? Ici ou là, selon un mot à la mode, des " réhabilitations " sont entreprises : on bricole dans quelques bâtiments mal conçus et peu entretenus depuis des années ; on construit quelques espaces verts, des aires de jeux, et de plus en plus, on démolit, sans rien reconstruire à la place.

Il n'est pas étonnant que tous les politiciens, qui dissertent doctement sur le mal des banlieues, ne parviennent pas à résoudre réellement quoi que ce soit. Ce qu'ils appellent les " erreurs " du passé ne sont que les choix d'une économie déterminée par le marché. Et comme il n'est pas question pour eux de renoncer à cette logique, que ce soit dans le domaine du logement comme dans bien d'autres, ils ne peuvent que faire du replâtrage et déplacer les problèmes.

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