Lire : "La nuit des chiens" de Boubakar Diallo02/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1664.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire : "La nuit des chiens" de Boubakar Diallo

Directeur de publication du Journal du Jeudi, un hebdomadaire satirique du Burkina Faso qui égratigne le pouvoir de Blaise Compaoré depuis 1991, Boubakar Diallo signe avec ce roman l'histoire d'un jeune Etat africain en voie de " démocratisation ". Toile de fond du roman : le sommet franco-africain de La Baule, en 1990, où par la voix de son président, Mitterrand, la France, ancienne puissance coloniale, affirma souhaiter accorder " une prime à la démocratisation " des régimes africains. Se multiplièrent alors les élections pluralistes un peu partout en Afrique francophone, des élections bien souvent truquées.

Tel est le point de départ de La nuit des chiens, récit imaginaire qui se déroule à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso où justement vient de s'achever une campagne électorale que l'on soupçonne agitée. Le résultat des élections présidentielles est sans appel : le candidat civil Ali Congo vient de battre à plate couture le général Ouédraogo, arrivé au pouvoir huit ans auparavant par un coup d'Etat.

Conformément à la constitution du pays, celui-ci doit passer la main. Mais voilà, il n'a pas l'intention de s'incliner devant le verdict des urnes qu'il considère comme une machination néo-coloniale. Seule solution pour se débarrasser du parti vainqueur des élections : organiser un nouveau coup d'Etat. Chose somme toute banale dans bien des pays africains où l'impérialisme tire les ficelles du pouvoir civil et militaire, fait et défait les gouvernements selon ses intérêts du moment, économiques et politiques.

Le récit (qui pourrait se dérouler dans bien des pays d'Afrique de l'Ouest) permet à l'auteur de dresser le portrait sans complaisance d'officiers ambitieux, corrompus et prêts à tout pour conserver leurs privilèges, prêts à destituer un gouvernement élu, à organiser complot sur complot, voire à assassiner les opposants et à massacrer les populations civiles pourvu qu'ils restent au pouvoir. Les militaires que décrit Boubakar Diallo ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux qui gouvernent aujourd'hui bien des Etats africains... le Burkina Faso comme d'autres.

En contrepoint à ces officiers arrivistes et sans scrupules, l'auteur met en scène des personnages un peu moins affreux, des militaires toujours, mais qui, hommes intègres, restent des officiers loyalistes envers la constitution et dont l'action (après bien des péripéties dans la brousse) sauve le candidat civil, Ali Congo, des griffes des putschistes. Un civil élu président, mais dont le pouvoir dépend en définitive, dans un cas comme dans l'autre, des seules forces armées, véritables maîtres du pays : telle semble donc être la meilleure perspective envisagée par l'auteur pour s'engager dans la " voie de la démocratisation ". Cela marque les limites étroites de la critique des bandes armées qui se disputent le pouvoir dans tant de pays africains, ruinant et massacrant les populations, que laisse pourtant percer ce petit roman.

René CYRILLE

La nuit des chiens, de Boubakar Diallo, L'Harmattan, 159 pages, 90 francs.

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