Indemnisation du chômage : Le medef veut mettre les chômeurs à sa botte02/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1664.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Indemnisation du chômage : Le medef veut mettre les chômeurs à sa botte

Une nouvelle convention sur l'assurance-chômage doit être signée avant le 30 juin 2000. Cela donne lieu depuis quelques mois à des négociations entre le patronat, représenté par le Medef, et les syndicats qui gèrent ensemble l'UNEDIC.

A quelques jours des négociations des 24 et 31 mai, la CFDT a tenu à se rallier publiquement au projet du Medef proposant de créer les "CARE" - Contrats d'Aide au Retour à l'Emploi, pour les demandeurs d'emploi. Il s'agit d'un nouveau mécanisme, prétendument plus " incitatif ", de contrôle et d'indemnisation des chômeurs qui sanctionnerait les chômeurs qui refuseraient deux ou trois fois de suite des offres d'emploi, jugées acceptables par le patronat, mais qui seront, en réalité, le plus souvent précaires et sous-payés, comme on peut s'en douter.

Augmenter la pression sur les chômeurs

Ces " CARE " tels que les imagine le Medef, et donc la CFDT, seraient des contrats de cinq ans maximum avec bilan de compétences, formation, encouragement à la mobilité et devant aboutir à des offres d'emploi " adaptées aux connaissances du demandeur d'emploi " que celui-ci ne pourra pas refuser sous peine de se voir supprimer ses allocations de chômage, qui dans ce système, seraient proportionnées aux efforts fournis par les demandeurs d'emploi pour retrouver du travail !

C'est une fois de plus une manière scandaleuse de montrer les chômeurs du doigt et de sous-entendre qu'ils sont responsables de leur situation, autrement dit, " ils n'ont qu'à prendre ce qu'on leur propose ! ". Une manière donc d'augmenter la pression sur eux pour qu'ils acceptent n'importe quels petits boulots, plus de mobilité et de flexibilité, pour pouvoir exiger finalement la même chose de l'ensemble de la classe ouvrière.

" Il y a des voies de convergence possible avec le Medef ", a déclaré, sans rire, Nicole Notat, " si celui-ci fait preuve de sa sincérité sur l'idée de tout faire pour remettre le pied à l'étrier de chacun à l'emploi ".

Mais si le chômage a autant explosé, à qui la faute sinon à ce patronat arrogant qui a " dégraissé " partout, qui continue à le faire comme à Michelin, Alstom ou TotalFinaElf, fermé des usines jugées pas assez rentables entraînant la ruine de régions entières, et tout cela le plus souvent pour pouvoir annoncer des profits records à la Bourse !

Il n'est nullement dans l'intention du patronat de réviser à la hausse la couverture du chômage, et pas plus de lutter contre le chômage qui lui permet de faire pression sur l'ensemble des salariés. Il souhaite au contraire peser dans les négociations pour pouvoir bénéficier de la main-d'oeuvre la plus corvéable possible en déboursant le moins possible. Et il a trouvé en Notat une alliée même si elle se défend de vouloir durcir les conditions d'indemnisation. Pour se défendre, si on peut parler de défense en l'occurrence, elle déclare elle-même que les sanctions fonctionnent déjà puisque 180 000 personnes sont radiées chaque année !

L'Unedic excédentaire... aux dépens des chômeurs

Les caisses de l'UNEDIC sont, apprend-on, excédentaires cette année de plusieurs milliards de francs. C'est la conséquence de plusieurs facteurs, dont les mesures restrictives en matière d'indemnisation du chômage. Car depuis que le chômage augmente, la politique de tous les gouvernements de droite bien sûr, mais aussi de gauche, a visé à faire basculer sur les travailleurs en activité l'essentiel de la facture, et parallèlement à diminuer le nombre, le niveau et la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi.

En 1979, le gouvernement de droite réduisait les allocations de chômage pour licenciement économique qui avaient été fixées en 1974 à 90 % du salaire brut des licenciés pendant un an.

En 1982, Pierre Bérégovoy (à " gauche "), ministre des Affaires sociales dans le premier gouvernement de Mitterrand, promulguait un décret limitant la durée d'indemnisation proportionnellement à la durée d'affiliation, instaurait quelques cotisations supplémentaires sur les chômeurs tout en diminuant le montant de diverses allocations.

En 1992, Martine Aubry (de " gauche " encore), alors ministre du Travail, entre autres attaques, portait la durée minimum de travail à quatre mois (au lieu de 3) dans les huit mois précédant l'inscription pour l'ouverture des droits au chômage : 30 000 chômeurs perdirent alors leurs droits du jour au lendemain. En juillet de la même année la CFDT, la CGC et la CFTC signaient avec le patronat la convention qui instaurait le principe de la dégressivité des allocations (qui baissent actuellement de 17 % tous les six mois) et les contrôles trimestriels des démarches faites par les chômeurs pour le maintien de leurs indemnisations. On pourrait multiplier ces exemples de tracasseries envers les chômeurs visant à chaque fois à en diminuer le nombre... dans les statistiques, pas dans la réalité !

Les conditions d'ouverture aux droits sont aujourd'hui draconiennes et alors que tous les salariés cotisent au chômage, seuls quatre chômeurs sur dix sont indemnisés par l'UNEDIC. C'est l'Etat qui prend le relais du système d'assurance-chômage avec notamment l'attribution du RMI, prélevé sur le budget de l'État. A minima, il est vrai ! C'est ainsi que près de la moitié des privés-d'emploi vivent comme ils peuvent avec moins de 4 000 F par mois.

La première priorité serait de permettre à tous ceux qui n'ont pas de travail de toucher d'ores et déjà des indemnités décentes, en prenant sur les profits patronaux, sans ce chantage qui vise à faire des chômeurs des responsables de leur situation s'ils n'acceptent pas n'importe quel contrat de travail ! Mais au-delà, c'est la fin du chômage qu'il faut viser en imposant l'interdiction des licenciements et en exigeant de l'État qu'il crée, partout où cela manque, les postes utiles dans les services publics.

Comme le criaient les organisations de chômeurs qui ont manifesté à Paris samedi 20 mai : " Un emploi, c'est un droit, un revenu, c'est un dû ! ".

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