Refuser la précarité comme le chômage26/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1663.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Refuser la précarité comme le chômage

Sous le nom de " contrat de retour à l'emploi ", le Medef, l'organisation patronale, propose une procédure permettant de rayer du nombre des bénéficiaires d'une allocation de chômage tous ceux qui refuseraient l'emploi qu'on leur propose, même mal payé, même sans rapport avec leurs qualifications professionnelles.

Aujourd'hui déjà, six chômeurs sur dix ne sont pas indemnisés et la plupart de ceux qui le sont touchent des sommes dérisoires. La menace de supprimer même cette faible allocation pour ceux qui n'accepteraient pas n'importe quel emploi, à n'importe quelle condition, est une ignominie. Comme l'est l'insinuation patronale que le chômage... c'est la faute des chômeurs. Le fait que Nicole Notat apporte au projet patronal un soutien à peine déguisé ne le rend pas meilleur.

Ce projet du Medef ne concerne évidemment pas que les chômeurs. Malgré la campagne gouvernementale, largement reprise par les médias, sur le nombre paraît-il exceptionnel des créations d'emplois, l'ampleur du chômage reste le problème majeur de la classe ouvrière. Le gouvernement se félicite de la tendance à la baisse du nombre de chômeurs. Mais deux millions et demi de chômeurs, - le chiffre officiel - c'est encore une catastrophe sociale !

Et surtout, même s'il était vrai qu'il y a plus de créations que de suppressions d'emplois, les emplois qu'on supprime chez Michelin, Alstom, Unilever ou Elf-Total sont des emplois stables tandis qu'une grande partie des emplois nouveaux créés sont des emplois précaires. Et à côté de ces grandes entreprises qui réalisent toutes des profits élevés, et qui annoncent quand même des plans de suppressions d'emplois, parfois simplement pour faire grimper leurs actions en Bourse, combien d'autres réduisent discrètement leurs effectifs ? Combien de ceux qui partent en retraite ne sont pas remplacés ? Combien d'autres sont remplacés par des CDD ou des intérim, en nombre moindre ? Ce qui signifie, à la fois, plus de travail et des cadences plus élevées pour ceux qui restent et un accroissement de la précarité. La diminution du chômage ne se traduit pas par une diminution de la pauvreté, au contraire !

L'attaque du Medef contre les chômeurs comme son autre projet visant à faire sauter les quelques limitations à l'emploi précaire montrent la volonté du patronat de continuer son offensive contre les travailleurs.

Les travailleurs, ceux qui ont un emploi comme ceux qui en sont privés, n'ont pas à attendre une amélioration de leur sort de la seule reprise économique, si tant est qu'il y en ait une. Une amélioration ne pourrait venir que d'un changement du rapport de forces avec le grand patronat. Les débrayages et les grèves dans un certain nombre d'entreprises montrent que les travailleurs ne sont pas résignés.

Cet état d'esprit a été illustré par les convoyeurs de fonds, qui ont mené pendant deux semaines une grève très déterminée face à des patrons osant prétendre que des convoyeurs ne gagnant que 6 500 F par mois pour transporter des milliards en risquant leur vie, leur mettaient le couteau sous la gorge en réclamant une augmentation de 1 500 F par mois. Or les deux principales sociétés de transport de fonds font partie de groupes financiers multinationaux. Quant aux donneurs d'ordres, les banques et les hypermarchés, ils sont parmi les entreprises les plus riches. Le refus de ces gens-là de satisfaire les revendications des convoyeurs est apparu pour ce qu'il était : scandaleux.

Les convoyeurs ont eu mille fois raison de se battre. Et ils ont bénéficié d'ailleurs de la compréhension de tous ceux qui, comme eux, usent leur vie, en risquant de la perdre d'un seul coup ou en l'épuisant jour après jour, contre un salaire dérisoire, pour enrichir un patron.

Et, au-delà de la solidarité naturelle, notre intérêt à tous, au travail, au chômage ou à la retraite, est que les luttes partielles, souvent déterminées et toujours légitimes, s'amplifient et confluent dans une contre-offensive de l'ensemble des travailleurs, capable de faire suffisamment peur au patronat et au gouvernement pour leur faire ravaler leur morgue et les obliger à reculer.

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