Conte de fées : Aubry a transformé le trou de la sécu en cagnotte26/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1663.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Conte de fées : Aubry a transformé le trou de la sécu en cagnotte

D'après les chiffres publiés le 22 mai dernier, la Sécurité sociale aurait dégagé un excédent de 235 millions de francs en 1999, qui devrait s'élever à 5 milliards cette année, après un versement de 8,5 milliards de francs d'excédent supplémentaire au fonds de réserve pour les retraites. On en aurait donc fini avec le temps du trou de la Sécu, auquel succéderait désormais celui de la cagnotte de la Sécu ? C'est loin d'être sûr. Et surtout ces résultats sont d'abord le fruit des sacrifices imposés depuis des années aux assurés sociaux et à toute la population laborieuse, salariés, chômeurs et retraités.

En tout cas, dès ces résultats connus, Martine Aubry n'a pas traîné pour pavoiser devant la presse : " Nous en avions assez que, lorsque l'on parle de la Sécurité sociale, on parle du trou ". Ou encore : " Ces résultats constituent un démenti cinglant aux Cassandres qui nous disaient que nos prévisions n'étaient pas exactes, et qui nous promettaient un déficit ".

Mais il en est de cette nouvelle " cagnotte " comme de celle récemment découverte à Bercy, il y a quelques semaines : les assurés sociaux, comme les contribuables, les ont payées au prix fort.

Une partie de la presse nous parle de " la croissance " qui expliquerait, à elle seule, cette embellie des comptes de la Sécu. C'est faire bien peu de cas de tous les sacrifices imposés aux salariés et à une partie des retraités et à tous les bénéficiaires de la Sécurité sociale, ces dernières années.

Cela fait au moins quinze ans que les gouvernements successifs s'occupent de combler le trou de la Sécurité sociale (le dernier résultat en équilibre datait de 1985). Prenant soin de ménager l'essentiel des intérêts des grands trusts pharmaceutiques (sollicités seulement au lancement de la réforme Juppé en 1995) ou ceux des entreprises spécialisées dans l'équipement du secteur de la santé, les pouvoirs publics, en revanche, se sont largement tournés vers les assurés sociaux, toutes catégories confondues, qui eux n'ont guère été ménagés.

La pression fiscale supplémentaire de la CSG et du RDS

Inventée par Rocard en 1991, la CSG (contribution sociale généralisée) était censée étendre le financement de la Sécurité sociale à d'autres revenus que ceux du travail. Depuis, elle a vu son taux augmenter (Rocard : 1,1 %, Balladur : 2,4 % en 1993, Juppé : 3,4 % en 1997 et Jospin : 7,5 % depuis 1998), son assiette s'élargir et ses résultats s'envoler : en 1999, elle a rapporté 353 milliards de francs, c'est-à-dire plus que l'impôt sur le revenu (330 milliards " seulement "). Car, contrairement à l'impôt sur le revenu, la CSG ne voit pas ses résultats entamés par les exonérations.

Mais, comme si la CSG ne suffisait pas, Juppé avait lancé en 1996 un impôt supplémentaire : le " remboursement de la dette sociale ", le RDS, promis lui aussi à un bel avenir. Lui aussi était chargé de ponctionner tous les revenus à raison de 0,5 % (sauf les maigres minima sociaux). Il était censé continuer de nous ponctionner jusqu'en 2009, mais le même Juppé a prolongé le mauvais traitement jusqu'en 2014 pour compléter la part de déficit non financée par la CSG, soit 224 milliards de francs. Le RDS rapporte, bon an mal an, 28 milliards de francs et il semble promis à un avenir comparable à celui de la vignette automobile, puisque, selon les experts des Affaires sociales, il y aurait encore 208 milliards de dette sociale à éponger ; un chiffre dont on peut craindre qu'il tende à rester constant !

Des coupes sombres dans les remboursements des dépenses de santé

Et puis il y a les changements opérés sur les remboursements de médicaments. On a entendu beaucoup de mensonges sur cette question. Il y a longtemps que les patients de ce pays sont présentés par les médias ou les publicités institutionnelles comme des consommateurs gourmands de médicaments (qu'on se souvienne de cette publicité où l'assuré social semblait puiser dans un grand pot de pilules de toutes les couleurs, comme un garnement s'attaquant à un pot de confiture). Hier, les assurés sociaux consommaient trop, aujourd'hui on les présente comme préférant systématiquement les préparations chères aux médicaments génériques.

Cette démagogie à tiroirs multiples sert de justification à toute une série de remises en cause du nombre de médicaments remboursés ou du montant de leur remboursement. La dernière en date est de s'appuyer sur le fait que l'efficacité des médicaments n'est jamais totale à 100 % pour réduire ou supprimer le remboursement d'une partie des médicaments. On ne risquait pas de voir, à la place, des publicités montrant comment ce sont les laboratoires pharmaceutiques et, dans leur sillage et sous leur influence, des médecins et des pharmaciens qui imposent de préférence la prescription des médicaments chers à la place de génériques moins onéreux, pour assurer aux uns et aux autres leur part de profits confortables.

C'est d'ailleurs pourquoi les statistiques qu'on nous sert actuellement mériteraient plus de transparence. Qu'est-ce qu'il y a, par exemple, derrière l'augmentation de 6,5 % de la prescription de médicaments ? Cette progression peut dissimuler à la fois une hausse due aux prix élevés des spécialités récentes et une consommation diminuée de médicaments plus courants.

Quoi qu'il en soit, la santé a un coût et la progression des dépenses de santé, en hausse constante dans les pays développés (les pays moins riches aimeraient pouvoir en dire autant), correspond aussi au fait tout simple que, lorsqu'on se soigne mieux, cela coûte forcément plus cher à l'ensemble de la collectivité. Et qu'en ces temps où, pour les gouvernants, tout est prétexte à de nouvelles restrictions budgétaires, diminuer les dépenses de santé revient bien souvent, quand on refuse de s'en prendre aux profits de ceux à qui toutes ces dépenses rapportent le plus, à moins bien soigner la grande masse des patients. Alors les ministres n'ont vraiment aucune raison de pavoiser pour les économies faites aux dépens de la population.

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