Ce que les convoyeurs ont obtenu, ils le doivent à leur détermination26/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1663.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Ce que les convoyeurs ont obtenu, ils le doivent à leur détermination

Les convoyeurs de fonds, en grève depuis deux semaines, ont repris le travail le 24 mai après avoir obtenu un certain nombre de concessions du patronat. Et ce qu'ils ont obtenu, ils le doivent entièrement à leur détermination face à un patronat de choc qui, au début du conflit, n'avait nulle intention de céder face à leurs revendications.

Cette détermination avait d'ailleurs valu aux grévistes une sympathie bien méritée dans l'opinion publique. D'autant que celle-ci avait découvert, à la faveur de cette grève, à quel point ces travailleurs qui risquent leur peau à transporter chaque jour les milliards des grandes entreprises étaient mal payés.

Les syndicats ont unanimement salué l'accord qu'ils ont signé comme une " victoire ", ou tout au moins une grande " avancée ". Mais les grévistes d'hier ne semblent pas tous partager leur satisfaction. Certains regrettent en particulier que les syndicats aient brusquement appelé à la reprise au moment même où le patronat commençait à reculer, empêchant ainsi le mouvement d'aller jusqu'au bout de ce qu'il pouvait imposer.

En effet, sans doute les convoyeurs obtiennent-ils une prime mensuelle de 1 000 F net mais ceux qui approvisionnent les guichets automatiques, eux, doivent se contenter d'une prime inférieure à 200 F par mois pour l'instant. Et puis il s'agit de primes, qui ne rentrent donc pas dans le calcul de la retraite et peuvent être réduites le jour où le patronat se sentira assez fort pour le faire. Alors que sur les salaires eux-mêmes, l'accord ne prévoit que des augmentations de 1,5 %, 3 % et 5 % suivant les catégories - des augmentations dérisoires compte tenu des bas salaires en vigueur. Enfin les grévistes n'ont pas obtenu le statut de profession à risque qu'ils revendiquaient. Tout au plus ont-ils obtenu que le temps d'exercice nécessaire pour bénéficier de la retraite à 55 ans soit réduit à 20 ans (contre 25 auparavant). Quant au problème du recours au travail précaire, il reste en suspens.

Et puis, surtout, on peut avoir quelques doutes sur la volonté du patronat de mettre cet accord en application. Ainsi Ardial, le numéro deux du secteur avec 2 300 salariés, n'a-t-il pris aucun engagement, laissant à la Brink's le soin de le faire à la table des négociations. Et déjà, les patrons du convoyage disent que les donneurs d'ordre, c'est-à-dire les entreprises et les banques utilisant leurs services, doivent contribuer au financement de l'accord. De là à conditionner l'application de cet accord à la participation des donneurs d'ordre une fois la grève terminée, il n'y a pas loin.

Aujourd'hui, le gouvernement Jospin et son ministre Gayssot qui ont servi d'intermédiaires dans les négociations entre patronat et salariés durant la grève, se disent satisfaits d'avoir favorisé le dialogue social et permis la résolution du conflit. Mais dans cette affaire, le gouvernement était surtout pressé de faire cesser le mouvement, quitte à faire avaler des couleuvres aux grévistes en faisant reprendre le travail sans garantie réelle de la part du patronat. Et on peut craindre que, comme dans d'autres conflits où il est intervenu dans le passé, ceux des routiers en particulier, on s'aperçoive d'ici quelques mois qu'en réalité cet accord est resté lettre morte dans toute ou partie de la profession.

Si cette grève montre quelque chose pour les conflits à venir, c'est que les travailleurs ne doivent pas compter sur ce gouvernement pour être dans leur camp. Ils ne peuvent compter que sur leur propre combativité et leur détermination à faire payer le patronat.

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