Un président élu pour 5 ans ? De toute façon hors du contrôle de la population19/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1662.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Un président élu pour 5 ans ? De toute façon hors du contrôle de la population

Quel tremblement de terre médiatique et politicien autour de la proposition de Giscard d'instaurer le quinquennat, c'est-à-dire de réduire la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans ! On ne peut pas dire qu'en ce moment la chronique politicienne soit vide. Car avant même ce battage tonitruant sur le quinquennat, on avait eu droit - mais ça n'est certainement pas fini - à celui concernant cet événement crucial, dont dépend indéniablement l'avenir de l'humanité : la question du candidat du RPR à la mairie de Paris. On ne sait pas si ce festival suscite autant d'intérêt que celui de Cannes, mais ces scénarios bâclés, ces acteurs aux gestes et aux propos usés risquent de lasser les spectateurs-électeurs, en supposant qu'ils y prennent un quelconque intérêt.

Le débat sur le raccourcissement de la durée du mandat présidentiel à cinq ans est un remake, ou pour le moins une rediffusion qui dure depuis 27 ans... Et c'est le revenant Giscard qui s'en est attribué la vedette.

Un gouvernement auquel il participait, ainsi d'ailleurs que Chirac, avait déjà présenté un projet de loi en ce sens... en 1973. La réforme avait été votée, mais la mort du président de l'époque, Pompidou, aurait empêché, dit-on aujourd'hui, après coup, sa ratification. Depuis lors, la discussion sur le quinquennat ressort de l'armoire de temps à autre.

Cette fois, l'affaire paraît plus sérieusement engagée puisque des conseillers de Chirac ont, semble-t-il, trouvé un argument imparable pour convertir, in extremis l'occupant actuel de l'Elysée au quinquennat, lui qui déclarait encore le 14 juillet que, sous une forme ou sous une autre, ce serait une erreur.

De toute façon, quel que soit le projet adopté, s'il l'est, Chirac ne risque pas le licenciement immédiat car ce projet, repris par Jospin, n'aura pas d'effet pour le futur élu avant 2007. Dans ces conditions, les Juppé et autres " amis " de Chirac lui ont charitablement rappelé qu'il aurait 69 ans lors du prochain scrutin de 2002, donc 76 sept ans plus tard.

L'initiative de Giscard a fait au moins un heureux, François Hollande, le secrétaire du Parti Socialiste. Devant les députés, celui-ci a ironisé sur le retournement de veste de Chirac.

Et, n'hésitant pas à prendre de la hauteur, il a déclaré " qu'il y a deux conceptions du quinquennat, celui de conviction et celui de convenance personnelle ". La conviction du PS en la matière est tellement forte que le quinquennat était inscrit, dès 1973, dans le chapitre "démocratiser les institutions, garantir et développer les libertés" du Programme commun de gouvernement, signé par le PS. Mais comme le PS avait omis de préciser en quel millénaire il comptait mettre en application cette réforme, considérée par lui de première grandeur, on ne peut rien lui reprocher. C'est dire le peu d'intéret que les " intéressés " prennent à cette question. On comprendra dès lors que les citoyens s'en désintéressent encore plus.

En fait, le renouvellement de l'élection présidentielle tous les cinq ans au lieu de sept ne rendrait en rien la vie politique plus démocratique. Car, pas plus qu'aujourd'hui, le président, pas plus que les autres élus, n'est contraint de rendre des comptes à la population qui ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen d'en exiger. Un candidat peut s'émouvoir sur la " fracture sociale ", un autre peut évoquer du bout des lèvres qu'il est socialiste, cela est sans incidence sur la politique qu'il mènera ensuite. Il est libre d'utiliser son mandat comme un chèque en blanc... sans provisions.

Dans la vie réelle, une poignée de riches sait faire prévaloir ses intérêts, quelle que soit la périodicité des élections et quel que soit l'élu. Quand les capitalistes décident de fusionner, de faire un coup en Bourse, de licencier, ils ne se gênent pas, dictant leur choix au président de la République, ou au gouvernement, et les mettant devant le fait accompli. Même quand leur décision a des conséquences sociales catastrophiques à l'échelle d'une région ou de l'ensemble du pays, et des incidences politiques.

Il est donc d'une impérieuse nécessité que les travailleurs prennent en main la défense de leurs intérêts, par des manifestations, des grèves qui, pour être entendues, devront converger. Ce sera autrement plus efficace que de compter sur d'hypothétiques promesses électorales. Mandat présidentiel raccourci ou pas, de toute façon il faudra que les travailleurs pèsent directement sur la vie politique en usant du rapport de force.

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