Michelin (Clermont-Ferrand) : Grève contre le travail du samedi et pour le maintien des congés19/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1662.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin (Clermont-Ferrand) : Grève contre le travail du samedi et pour le maintien des congés

Il n'a pas fallu une semaine après l'annonce de la suppression de 1880 postes dont 1020 à Clermont-Ferrand (voir LO n°1661) pour que la colère éclate.

Jeudi 11 et vendredi 12 mai, à l'occasion de la réunion du Comité central d'entreprise, et à l'appel des syndicats, plusieurs milliers d'ouvriers des usines de Clermont-Ferrand ont débrayé et manifesté en ville.

Les raisons de la colère

Parmi les multiples mesures annoncées par la direction : suppression massive d'emplois, mutations, blocage des salaires, annonce encore floue sur les possibilités de départ anticipé pour ceux de 57-58 ans, c'est l'application des 35 heures avec toujours plus de flexibilité qui a provoqué le plus de réactions.

Alors que tout le monde espérait avoir un peu plus de repos et de liberté en fin de semaine, c'est le contraire qui arrive : le nombre de samedis travaillés dans l'année augmenterait encore, passant de un sur trois à un sur deux, soit de 17 à 25.

Personne ne croit qu'il est socialement vital de fabriquer des pneus le samedi, ou dans la nuit du samedi au dimanche !

Un autre motif de mécontentement concerne le nouveau mode de calcul des jours de congés. La direction vient de présenter aux syndicats des formules tellement complexes que chacun se perd à essayer d'y comprendre quelque chose. Jusqu'ici, on avait un jour de congé supplémentaire pour cinq ans de présence et cela pouvait être cumulé, plusieurs milliers de salariés de Michelin ayant des dizaines d'années d'ancienneté.

La direction voudrait modifier cela en mettant en place un système de compte-épargne-temps, dont le fonctionnement ne brille pas par la simplicité. En gros, pour le personnel en 2x4, administratifs, techniciens, etc., la direction reconnaît qu'elle leur fait faire des heures supplémentaires non comptabilisées. Comme cela dure depuis des années, il serait question de rétablir un semblant d'équilibre en leur accordant cinq jours de congés supplémentaires par an. Mais la contrepartie inquiète beaucoup de monde, la "générosité" de Michelin étant toujours très limitée.

Il serait question d'utiliser ces jours de congés quand l'encadrement l'accordera, donc de façon arbitraire, et non plus, comme c'était relativement le cas, en fonction des souhaits des travailleurs. Plus question donc de disposer de ces quelques jours de congés quand on en aurait besoin. Par exemple, en cas de chômage technique, la direction ne cache pas qu'elle puiserait alors dans le compte-épargne-temps pour compenser la perte financière, alors que c'est le patron qui devrait payer intégralement.

Au sujet des suppressions de postes, rappelons qu'un poste supprimé, c'est en réalité bien plus qu'un seul emploi qui est visé, mais plutôt trois dans le cas des équipes postées en 3x8. Pour les autres types d'horaires, la suppression d'un poste correspond souvent à deux emplois en moins.

La grève

C'est donc bien le travail du samedi et les craintes sur les jours de congés qui sont à l'origine directe de la grève. Sentant la colère monter d'un peu partout, les syndicats ont changé d'attitude.Ils avaient prévu un appel à un simple rassemblement à l'occasion du CCE, comme cela s'est fait à maintes reprises.

Or, jeudi 11 mai, plusieurs ateliers de production à Cataroux, la plus importante des usines clermontoises avec 4000 travailleurs, étaient décidés à arrêter le travail. C'est surtout l'équipe du matin, dans l'atelier 022, qui était la plus mobilisée. Quelques délégués combatifs entraînaient leurs camarades à débrayer, ainsi que dans l'atelier voisin 023. Cela faisait déjà plusieurs centaines de grévistes.

En quelques heures, l'usine des Carmes s'y mettait à son tour, et même le Centre de Ladoux, situé à une dizaine de kilomètres, était touché. Il s'agit du Centre de recherche, qui regroupe beaucoup de techniciens et plus d'un millier d'ingénieurs dans les labos.

Voyant la grève se développer aussi vite, la direction arrêta les réunions d'information, qui d'habitude servent à endormir les travailleurs en leur infligeant des montagnes de chiffres, des discours techniques, des projections de graphiques et des pourcentages en abondance sur la marche des ventes, les catégories de pneus, mais rien sur les salaires et les profits, qui sont toujours hors sujet !

L'après-midi du jeudi, ce fut une abondante diffusion de tracts syndicaux appelant ensemble, CGT, CFDT et FO, à un débrayage de trois heures pour le lendemain, jour du CCE. Les grévistes de l'équipe d'après-midi se regroupaient aux Carmes et défilaient en ville jusqu'à la place de Jaude. Des militants syndicaux, soutenus par des groupes de grévistes, en profitèrent pour interpeller des sénateurs car il y avait justement une exposition à ce moment... sur le rôle du Sénat dans la vie politique du pays. Cela tombait bien ! Les grévistes entourèrent également Serge Godard, sénateur-maire socialistes de Clermont, pour lui demander de sortir de son silence vis-à-vis des choix de la dirction de Michelin.

Vendredi 12 mai, les trois heures de grève ont été fortement suivies, plus encore que la veille. La direction le reconnaissait en admettant qu'il y avait 80% de grévistes parmi les ouvriers des trois usines de production, à Cataroux, aux Carmes et à la Combaude, une proportion rarement atteinte ces dernières années. Comme la veille, c'est encore l'équipe du matin de l'atelier 022 à Cataroux qui a donné le ton, les 250 ouvriers de cette équipe étant les premiers à cesser le travail. En fait, ils n'avaient même pas commencé puisque, rentrés à 5 heures du matin, une demi-heure après ils étaient en grève, entraînant à nouveau leurs camarades de 023.

Des groupes de grévistes sont venus les rejoindre à Rivoli, l'une des principales entrées de Cataroux, et tous ont convergé une fois encore sur les Carmes. En comptant les équipes du matin et du soir, ce sont plusieurs milliers de travailleurs qui ont fait grève, et environ 2000 d'entre eux qui ont manifesté en ville.

Un avertissement à Michelin

L'aggravation des conditions de travail, avec l'application des 35 heures qui, au lieu d'alléger la semaine, l'alourdit : toujours plus de samedis travaillés ; la réorganisation inadmissible des jours de congés, tout cela ne passe pas. Edouard Michelin, le nouveau patron, qui n'a que ce refrain à la bouche, "Satisfaire les actionnaires et les clients" , est en train de s'en rendre compte.

Rendue prudente, la direction déclare maintenant qu'"elle n'a fait que présenter des propositions qui n'ont rien de définitif" et que cela reste négociable dans le cadre des réunions paritaires dont la prochaine est prévue pour jeudi 18 mai.

Les syndicats envisagent d'appeler à nouveau à la grève ce jour-là. Michelin doit compter avec la colère de "ses" ouvriers. De quoi dégonfler ses projets malfaisants.

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