Etats-Unis : La manifestation du 14 mai à Washington.19/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1662.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Etats-Unis : La manifestation du 14 mai à Washington.

Dimanche 14 mai, jour de la fête des mères aux Etats-Unis, plus de 100 000 femmes, rejointes par des hommes, des personnalités du monde du spectacle et même par le couple présidentiel, Bill et Hillary Clinton, ont manifesté à Washington, la capitale des Etats-Unis, pour demander un contrôle plus strict des armes à feu et un renforcement de la législation sur le port d'armes. D'autres manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes du pays pour réclamer elles aussi des " lois sérieuses sur les armes, pour des enfants en sécurité ".

Ces manifestations étaient motivées par la montée de la violence parmi la jeunesse. Aux Etats-Unis, le nombre de morts par armes à feu et surtout le nombre d'enfants de plus en plus jeunes qui tuent ou sont tués à coups de revolver ou de fusil, jusque dans les écoles, est croissant. On estime qu'en moyenne 13 enfants meurent chaque jour de blessures faites par une arme à feu, soit en moyenne 4 745 par an. En février dernier, dans une banlieue pauvre de Flint, dans l'Etat du Michigan, un petit garçon de six ans tuait d'un coup de revolver une fillette du même âge. En août 1999, un adolescent avait fait un massacre dans un jardin d'enfants juifs à Los Angeles. Mais cette violence ne concerne pas seulement la jeunesse des quartiers pauvres des grandes villes. Elle relève d'un phénomène de société plus fondamental.

La croissance de la violence parmi la jeunesse américaine s'inscrit dans un contexte marqué par une montée plus générale de la violence, liée entre autres au racisme qui s'exerce depuis toujours contre les minorités noires, hispaniques, etc., mais aussi liée à la dégradation générale des conditions de vie des classes pauvres.

Aux Etats-Unis, 200 millions d'armes sont en circulation. La liberté d'acheter et de porter une arme en toute circonstance est inscrite dans la Constitution. Les tensions qui parfois se règlent spontanément à coups de poing dans certains pays, se règlent presque aussi facilement à coups de fusil aux Etats-Unis. Cette banalisation des armes à feu se manifeste jusque dans les usines, où les cas de litiges entre ouvriers se soldent parfois à coups de revolver. De tels actes sur les lieux de travail se multiplieraient aujourd'hui mais ne sont pas nouveaux. Le fait de régler ses comptes à coups de feu fait d'ailleurs partie du langage courant, désigné par l'expression " going postal ", littéralement " devenir postier ", depuis qu'en 1986 un postier de l'Oklahoma tua 14 personnes sur son lieu de travail et en blessa 20 autres.

La "Million Mom March" de dimanche dernier, cette manifestation impressionnante contre les armes à feu dont sont victimes les enfants, s'inscrit dans un tel contexte. Certes, les mesures réclamées par les manifestants, à supposer mêmes qu'elles soient décidées et puissent sérieusement entrer en application, ne permettraient pas de changer radicalement cette situation. Elles visent un contrôle plus strict et une limitation de l'usage des armes à feu : rendre obligatoire l'enregistrement de toutes les armes ainsi que l'installation d'un cadenas sur toutes les armes à feu et la vérification de l'identité et du casier judiciaire des acheteurs ; etc. Personne ne peut dire si ces quelques mesures seraient capables d'améliorer une situation dont personne ne voit comment sortir. Mais en tentant de freiner le laxisme institutionnalisé, les manifestants poursuivent un objectif que l'on peut comprendre même s'il resterait difficile à faire respecter.

Mais la seule perspective de ces quelques mesures se heurte au lobby puissant des tenants inconditionnels des armes à feu, lobby particulièrement fort aux Etats-Unis. La seule NRA (National Rifle Association) par exemple, association des porteurs d'armes à feu n'admettant aucune limitation à leur vente et à leur port, se revendique de quelque 5 millions de membres. Ce lobby très réactionnaire pèse d'autant plus lourd que les élections présidentielles ont lieu dans seulement six mois et qu'aucun des deux candidats ne voudra risquer de se le mettre à dos : ni le républicain George W. Bush, de toute façon ouvertement favorable à la NRA ; ni le démocrate Al Gore, soi-disant plus favorable à un meilleur contrôle des armes à feu tout en se refusant à le dire trop fort, ne souhaitant pas plus que son concurrent se couper du lobby des armes, dont il était d'ailleurs un chaud partisan au début de sa carrière politique, paraît-il.

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