Nos lecteurs écrivent - à La Poste : Mais qu'est-ce qu'on attend ?28/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1659.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nos lecteurs écrivent - à La Poste : Mais qu'est-ce qu'on attend ?

"A Arles, nous avons en novembre 1998, avec la majorité des facteurs, fait 57 jours de grève. Bien sûr, pour cela, nous avons dû résister au découragement, aux sanctions disciplinaires et aux arrêts des tribunaux en notre défaveur. Mais ce pourquoi nous nous sommes battus, c'est malheureusement ce qui se généralise aujourd'hui à La Poste : séparation des activités, concentration et délocalisation du domaine courrier et surtout la mise en place des 35 heures avec l'augmentation des normes de production et des gains de productivité dégagés par les nouveaux casiers du tri modulaire et du tri mécanique.

Alors bien des questions de fond restent posées quant à la volonté des dirigeants syndicaux de cantonner les luttes uniquement sur le plan local.

Il y a eu, à La Poste, plus de 1 000 préavis de grève dans les services de déposés depuis septembre 1999. Il y a eu des départements qui sont entrés dans l'action en janvier et février (Hérault, Doubs, Seine-Maritime, région parisienne, Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Vaucluse et bien d'autres), des centaines de bureaux, des milliers de collègues se sont rassemblés, ont lutté et luttent encore sur des revendications claires et déterminées, mais toujours aucun appel national n'est venu renforcer et élargir ce mouvement, pourquoi ?

Les directions syndicales nous demandent d'ancrer revendicativement dans les services, mais les enjeux tels que les 35 heures ou l'ARTT, eux, sont des enjeux de société et nécessitent une réponse nationale.

Bien sûr, le discours qui consiste à dire qu'il ne faut surtout plus appuyer sur le bouton de la grève d'en haut est bien rodé, si ce n'est qu'à force de ne plus appuyer sur le bouton pour fédérer un mouvement (alors que des milliers d'agents étaient dans l'action), il n'y a plus de mouvement du tout. Et on se trouve confronté à l'isolement le plus total de luttes locales mises à mal par la répression et l'inflexibilité de La Poste, ce qui ne peut que renforcer le fatalisme et l'attentisme. La boucle est bouclée !

Nous ne pensons pas que face aux enjeux et aux échéances qui nous attendent cette stratégie syndicale soit la bonne. C'est d'un grand mouvement national que nous avons besoin : c'est vital, c'est urgent. Les agents du Trésor, des Impôts, les hospitaliers, les enseignants sont chacun dans leur coin en lutte. La responsabilité des dirigeants syndicaux est grande, il en va de la crédibilité du syndicalisme. La lutte de classe, elle, par contre, n'a jamais été autant d'actualité, alors qu'est-ce qu'on attend ?

Ô gauche plurielle quand tu nous tiens !"

B.L., un militant CGT de La Poste d'Arles

Il est bien vrai, comme tu le notes, que les organisations syndicales n'ont rien fait, ne serait-ce qu'au niveau de La Poste, pour que l'ensemble des salariés présente un front commun en vue d'organiser une riposte unie capable de mettre en échec les attaques tous azimuts de l'administration et derrière elle du gouvernement. Il faut rappeler que c'est Pierret qui est le ministre de tutelle de La Poste.

La preuve que cela aurait été et reste possible, c'est que les postiers depuis des mois aussi ont réagi par des grèves parfois très longues et dures dans de multiples régions. Malheureusement jusqu'à ce jour les mouvements sont restés isolés, au mieux au niveau d'un département, et souvent au niveau d'un bureau de poste. De toute façon, face à une attaque centrale sur la base des mêmes accords arrachés par l'administration, il est évident que c'est une lutte unifiée qui seule peut être à la hauteur des enjeux.

Mais, comme tu le notes, la politique de division des centrales syndicales, qui se cache souvent derrière le poncif " on ne déclenche pas un mouvement en appuyant sur un bouton ", se manifeste partout, dans les services publics comme dans le privé. Les luttes successives des hôpitaux, des Finances, des enseignants et de multiples travailleurs à travers le pays, font la démonstration à grande échelle à la fois des possibilités potentielles existantes et de la politique néfaste des confédérations syndicales.

Nous comprenons et nous partageons ton impatience à voir enfin surgir la contre-offensive nécessaire et urgente de l'ensemble du monde du travail. Le refus des confédérations syndicales de répondre à cette nécessité, tout comme la politique des partis de la gauche gouvernementale qui agissent en fonction des attentes du patronat et des privilégiés, représentent évidemment un obstacle. Mais cet obstacle peut être surmonté. Il existe des dizaines de milliers de militants ouvriers honnêtes qui se posent les mêmes problèmes que toi et que nous : comment permettre au monde du travail de sortir de la situation actuelle de chômage, de précarité à tous les niveaux et de misère croissante. Il peut dépendre de nous tous de faire que la riposte devienne une réalité dans l'avenir. La classe ouvrière et ses militants peuvent trouver en eux-mêmes les ressources, les moyens, pour étendre les luttes en mettant en avant les revendications essentielles des travailleurs. A nous, en tout cas, de faire ce qui est en notre pouvoir pour avancer au plus vite dans cette direction.

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