Maroc : La censure gouvernementale à l'oeuvre28/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1659.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Maroc : La censure gouvernementale à l'oeuvre

Au Maroc, il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que le nouveau régime de Mohammed VI montre son vrai visage et renoue avec les bonnes vieilles méthodes du passé d'Hassan II. Son gouvernement dirigé par le socialiste Youssoufi vient de censurer la presse, faisant saisir deux hebdomadaires coup sur coup et limogeant des responsables d'une chaîne publique de télévision. La raison ? Avoir parlé du Sahara occidental.

Deux directeurs et le rédacteur en chef de la chaîne publique marocaine 2M viennent en effet d'être limogés pour avoir simplement présenté à l'antenne, dans le cadre d'une revue de presse, la Une de l'hebdomadaire Le Journal. Cet hebdomadaire, saisi dès le lendemain par les autorités marocaines, publiait une interview du président du Front Polisario qui revendique la souveraineté sur le Sahara occidental. Un autre journal du même groupe de presse a subi le même sort. Depuis le début de l'année, les numéros de sept journaux, dont deux français, ont été interdits par le gouvernement. La ligne éditoriale de ces deux journaux devenait de plus en plus gênante aux yeux du pouvoir marocain, notamment en ce qui concerne le Sahara occidental, un territoire annexé voici quelques décennies.

En novembre 1975, Hassan II organisait la " marche verte " sur le Sahara occidental, une marche de plusieurs centaines de milliers d'hommes pour récupérer ces territoires riches en phosphates, jusqu'alors occupés par l'Espagne. Un accord tripartite était alors signé à Madrid, entre l'Espagne, la Mauritanie et le Maroc, qui instaurait le partage du Sahara occidental entre Nouakchott et Rabat. Depuis, le Maroc occupe militairement la région et mène une guerre sans merci contre les nationalistes indépendantistes du Front Polisario, lequel est soutenu par l'Algérie voisine.

La guerre entre le Front Polisario et le Maroc dure depuis 25 ans. Cette guerre est entrecoupée de cessez-le-feu et de négociations diplomatiques avortées. Qui se prononce encore aujourd'hui pour l'autodétermination du peuple saharaoui, qui ose remettre en cause la " marocanité " du Sahara occidental est violemment réprimé. L'acharnement du gouvernement contre les militants marocains opposés à l'annexion des territoires sahariens en est l'illustration. Les étudiants de Laâyoune qui se sont révoltés en septembre dernier pour obtenir le paiement des bourses ont également fait les frais de la répression.

Le référendum sur l'autodétermination du Sahara occidental, envisagé depuis le début des années 1990, a sans cesse été repoussé à cause de l'hostilité de la monarchie marocaine. Celle-ci est farouchement opposée à la reconnaissance des droits élémentaires des tribus nomades du Sahara. Hassan II et plus récemment Mohammed VI, mais aussi le gouvernement de Youssoufi, ont multiplié les obstacles entravant le processus référendaire. Et ce d'autant plus que le recensement organisé sous l'égide des Nations Unies pour identifier et recenser les votants appartenant aux tribus nomades, achevé en décembre dernier, risque d'être défavorable au Maroc. Seuls 86 000 votants environ ont été retenus, ce que conteste la monarchie qui multiplie les recours pour que soient prises en compte nombre de tribus lui ayant fait allégeance et dont le vote, s'il avait lieu, pourrait faire pencher la balance de son côté.

Depuis son accession au pouvoir, le roi Mohammed VI a multiplié les promesses de changement. Mais huit mois après, force est de constater qu'il n'y a pas grande évolution et que, côté social, le Maroc demeure le pays de la misère, du chômage et de la corruption.

Mohammed VI a sans doute rompu en partie, au moins pour l'instant, avec les pratiques des " années de plomb " du temps d'Hassan II, marquées par les tortures et les arrestations arbitraires. Il a multiplié les gestes de rupture avec le passé, limogeant Driss Basri, le tout-puissant ministre de l'Intérieur d'Hassan II, destituant des préfets de régions et des gouverneurs, omnipotents et corrompus, autorisant le retour d'exil du vieil opposant Abraham Serfaty. Mais ces quelques gestes en matière de libertés politiques trouvent très vite leurs limites dès lors que les intérêts de la monarchie sont en jeu.

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