Iran : Derrière les attaques contre la liberté de la presse, celles contre la classe ouvrière28/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1659.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iran : Derrière les attaques contre la liberté de la presse, celles contre la classe ouvrière

Le 23 avril en Iran, douze des seize organes de presse proches de la mouvance dite " réformatrice " du président Mohammed Khatami ont été interdits sur décision des instances judiciaires du régime, pour avoir publié " des articles contraires aux principes et aux exigences de l'Islam ". En même temps, deux des principaux porte-parole de cette presse qui, depuis des mois, constitue la seule opposition légale au régime islamiste, ont été emprisonnés.

Il s'agit là du dernier épisode dans le bras de fer qui oppose les partisans d'Ali Khamenei, " Guide " de la République Islamique et leader de la fraction " dure " du régime, à ceux du président Khatami, qui, bien qu'également issu du sérail islamiste, s'est fait le porte-parole de la fraction des classes privilégiées qui souhaite une ouverture politique et surtout économique vers l'Occident.

Depuis son élection triomphale à la présidence en mai 1997, Khatami a joué la carte de la légalité. Le temps a joué en sa faveur puisque chaque élection nationale - aussi bien les municipales de 1999 que les législatives, en février dernier - ont renforcé sa position en confirmant le soutien très large dont il dispose dans l'électorat, y compris dans les couches les plus pauvres de la population.

Mais tandis que Khatami se forgeait ainsi cette image de champion de la légalité " démocratique " dans le cadre du régime islamiste, ce sont ses partisans qui ont dû payer la note, pour bon nombre de leur liberté, sinon de leur vie.

Car la réalité du pouvoir d'Etat reste encore solidement aux mains de la hiérarchie islamiste et de la faction d'Ali Khamenei. Non seulement c'est elle qui contrôle les institutions judiciaires et la police (officielle et secrète), mais elle dispose également d'une véritable armée parallèle, celle des " Gardiens de la Révolution ", dont l'emprise s'étend dans toutes les couches de la population par le biais de milices paramilitaires.

Aujourd'hui c'est la presse qui est visée tandis que des journalistes sont emprisonnés. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois. Durant l'été 1999, ce sont des atteintes analogues à la liberté de la presse qui avaient déclenché une vague de grèves et de manifestations estudiantines aussitôt brutalement réprimées. Mais, au-delà de ces attaques contre la presse, la faction dure du régime poursuit une guerre sans relâche contre toute opposition, que ce soit à visage découvert au travers des forces de répression officielles, ou secrètement, en recourant à des méthodes terroristes, allant du passage à tabac aux exécutions sommaires.

Face à cette répression, Khatami ne s'est jamais départi de sa ligne de conduite légaliste, appelant ses partisans au calme et à la résignation, comme il l'a d'ailleurs fait encore cette fois-ci après ce nouveau coup contre la liberté d'opinion.

Mais la répression ne vient pas que de la faction dure du régime. Ainsi, depuis le début du mois, face à la multiplication des protestations contre les mesures d'invalidation de députés élus lors des élections législatives de février (pourtant tous partisans de Khatami), c'est le ministre de l'Intérieur de Khatami lui-même qui a ordonné l'état d'urgence dans plusieurs villes du pays.

De la même façon, en mars, des manifestations ouvrières se sont heurtées à la répression brutale des ministres de Khatami. Pourtant les manifestants entendaient s'opposer à une menace de réforme du code du travail contre laquelle le gouvernement lui-même s'était élevé - réforme qui se traduirait par la suppression de toute protection concernant, entre autres, la durée du travail, la sécurité et les congés de maladie dans les entreprises employant jusqu'à cinq salariés, c'est-à-dire pour plus de la moitié de la classe ouvrière.

Mais pour la faction de Khatami, jouer les champions de la cause ouvrière au Parlement est une chose, tolérer les manifestations ouvrières en est une autre. Pour ces politiciens qui sont avant tout attirés par la prospérité qu'ils attendent pour eux-mêmes du retour de l'Iran dans le giron du marché mondial, la population pauvre n'est qu'une masse de manoeuvre, un levier dans les luttes factionnelles qui traversent le régime. Et l'important pour Khatami est aussi de contenir les aspirations et la colère de ces masses pauvres, et de faire ainsi la démonstration aux bourgeoisies, iranienne et impérialistes, qu'il ne fera rien qui puisse menacer leurs intérêts.

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