Lille : Gouvernement et patronat responsables de la dégradation sociale21/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1658.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Lille : Gouvernement et patronat responsables de la dégradation sociale

Les jeunes du quartier de Lille-Sud ont violemment réagi à la suite du meurtre de l'un d'entre eux, Riad Hamlaoui, par un policier, dans la nuit du 15 au 16 avril, au cours d'un contrôle pour une tentative de vol de voiture. Les affrontements se sont étendus ensuite à d'autres quartiers de Lille et des alentours, montrant à quel point la révolte contre l'attitude de la police est partagée.

On comprend facilement ces réactions. Dans les barres d'immeubles insalubres comme ceux de Lille-Sud, où le taux de chômage des jeunes et la misère atteignent des sommets, la vie est insupportable depuis longtemps. Les seules mesures prises sont de fournir quelques animateurs sociaux et une police de proximité, censée être formée aux bons rapports avec les jeunes. On voit ce qu'il en est : selon tous les témoignages, les relations entre policiers et jeunes du quartier étaient très tendues. Du mépris, on est passé aux propos vexatoires, puis à une véritable exécution à bout portant, avec le prétexte habituel selon lequel le policier se serait senti " menacé "... alors que les jeunes qu'il interpellait n'étaient pas armés.

Mais la petite guerre entre jeunes et policiers, avec l'attitude provocante et raciste de bien des policiers et ses conséquences souvent tragiques, n'est pas le fond du problème. Le rôle que cette société assigne aux policiers est de faire accepter aux jeunes de ces quartiers le sort de parias qu'elle leur réserve. Cela fait de la police la première cible dans des affrontements dont sa propre attitude augmente encore la gravité. Celle du gouvernement, qui est de couvrir des policiers qui se croient de plus en plus tout permis, aggrave encore les choses. Cela dit, ce n'est pas la police qui crée le chômage, l'insalubrité, la misère qui sont le lot d'un quartier comme celui-là... et de bien d'autres.

La ministre du Travail, Martine Aubry, est maire adjointe de Lille et on a là un exemple direct des mesures qu'elle préconise : la création de zones franches urbaines, à quelques rues du lieu du meurtre, a permis tout au plus l'ouverture de quelques boutiques, mais le chômage n'a en rien régressé. Quelques promesses, quelques mesures ridicules sont impuissantes face à un fléau, le chômage, qui entraîne une dégradation de tout le tissu social et ne laisse aux jeunes d'autre perspective que de traîner sans but dans des cités désespérantes. Tous les cris de victoire du gouvernement sur la diminution du chômage n'y peuvent rien : cette diminution, si elle existe, est bien loin d'être suffisante pour arrêter la croissance de la pauvreté dans tant de quartiers populaires, d'autant plus qu'elle s'accompagne en fait d'une précarité croissante de tous les emplois créés.

L'autosatisfaction des Jospin, des Aubry, des Fabius n'a vraiment pas lieu d'être. Tout en parlant de lutte contre le chômage, ce gouvernement n'a rien fait d'autre que s'incliner devant les désirs du patronat, lui donnant toutes les possibilités d'accroître ses profits à coups d'emplois précaires, de licenciements des uns et d'exploitation accrue des autres, de flexibilité sous prétexte de passage aux trente-cinq heures. Le budget de l'Etat a été grevé par les subventions au patronat sous prétexte d'" aides à l'emploi " (!) aux dépens des fonds destinés à l'enseignement, aux hôpitaux, aux services publics en général. Et pendant que les profits patronaux explosent, que des fortunes se constituent à la Bourse par la spéculation, que le gouvernement manifeste sa sollicitude pour les détenteurs de stock-options, la misère s'installe pour longtemps dans bien des quartiers et jette une jeunesse sans avenir dans le désespoir.

Tout cela n'est cependant pas une fatalité. Il faut imposer que cessent les subventions au patronat, que l'Etat lui-même embauche dans les services publics essentiels, qu'il construise directement des logements corrects, qu'il utilise son argent dans l'intérêt de la population et non à accroître le profit de quelques-uns. Il faut interdire les licenciements dans les grandes entreprises qui font du profit et qui pourtant continuent de mettre des travailleurs à la porte. Il faut que les travailleurs interviennent, pour imposer que les entreprises rendent transparentes et publiques toutes leurs comptabilités, ainsi que les comptes en banque de leurs principaux actionnaires. Il faut qu'on sache d'où vient l'argent et à qui il va, celui des entreprises privées comme celui de l'Etat. On verra alors qu'il n'en manque pas pour résoudre les problèmes essentiels.

Enrayer vraiment le chômage, mettre un coup d'arrêt à la misère qui l'accompagne et dont ce qui s'est passé à Lille n'est qu'un révélateur, c'est une question de choix politique. Les travailleurs, l'ensemble de la classe ouvrière ont la force et les moyens d'en imposer d'autres.

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