Aides à l'emploi ou au pillage ?21/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1658.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Aides à l'emploi ou au pillage ?

En 1994, un industriel britannique, Alfred Gooding, avait considéré le rachat de l'usine Grundig de Creutzwald en Lorraine comme l'aubaine pouvant lui rapporter gros. Il ne s'était pas trompé.

A l'époque, Grundig (dont Philips détenait le tiers du capital) envisageait de délocaliser sa production en Autriche et en conséquence de fermer l'usine de Creutzwald, menaçant de laisser sur le pavé environ 900 salariés. Lorsque Gooding se présenta comme candidat à la reprise de l'entreprise, le nombre de salariés avait déjà été réduit à 562, nombre encore trop élevé pour l'industriel qui exigeait que l'effectif n'excède pas 350 personnes.

Avec l'aide du Conseil régional de Lorraine et de son président Gérard Longuet, alors également ministre de l'Industrie, Gooding imposa ses conditions et obtint satisfaction sur toute la ligne. Non seulement le nombre d'emplois préservés était diminué mais encore il reçut 110 millions de francs de Grundig, en remerciement en quelque sorte pour le débarrasser d'une entreprise devenue encombrante ; la Région Lorraine lui apportait par ailleurs 44 millions de francs d'aides, pris sur les fonds publics ; 53 millions de prêts à taux d'intérêt particulièrement bas lui étaient alloués ; des exonérations en série lui étaient accordées, de l'impôt sur les bénéfices pendant deux ans, de la taxe professionnelle, de la taxe foncière, des droits de mutation ; sans parler des quelque 35 millions d'aides de l'Union européenne venus faire bonne mesure. Bref, un véritable pont d'or lui était fait, sous prétexte de maintenir l'emploi dans la région et bien sûr sans aucun contrôle ni garantie, malgré une carte de visite assez peu recommandable, ce que ne pouvaient ignorer tous les officiels qui lui ont ouvert les bras et surtout leur caisse.

Surnommé le " Tapie gallois " parce que lui aussi spécialisé dans le rachat d'entreprises en difficulté, l'industriel était à la tête de toute une brochette de sociétés plus ou moins bidon, qui avaient surtout pour utilité de lui servir de pompe à finances. Le fait est que, peu de mois après qu'il eut repris Grundig, l'entreprise connaissait de nouveau des difficultés de trésorerie, des sommes considérables (30 puis 40 millions de francs) ayant disparu sans explication. En juin 1995, l'entreprise était placée sous redressement judiciaire. En 1997, avec seulement 200 salariés, elle était de nouveau rachetée, sous la marque Continental Edison.

Aujourd'hui, Gooding est poursuivi par la justice à propos de l'argent détourné, de sa " banqueroute par détournement d'actifs " et pour " abus de biens sociaux ". Mais personne ne rendra leur emploi aux travailleurs qui l'ont perdu à cause de cet industriel sans scrupules, financé à fonds perdus par les autorités qui, elles, ne sont pas poursuivies pour complicité.

Partager