Au centre de distribution du courrier de Paris 10, nous sommes 370 agents (la majorité est affectée à la Distribution piétonne, les autres à la Messagerie, à la Distribution des colis, ou aux Lignes, aux gros dégagements de courrier et aux colis volumineux).

L'application des mesures Aubry dans le 10e n'étant toujours pas faite depuis le 1er janvier, la direction devait nous donner un jour de congé à récupérer par mois de retard. Depuis quelques semaines nous étions prévenus qu'elle élaborait des scénarios pour l'application des 35 heures, et effectivement, le grand chef lui-même s'est déplacé cette semaine du 27 mars dans chaque service pour nous expliquer ce que La Poste nous réservait.

Pour la Messagerie, il s'agissait d'avoir un jour de repos tous les quatre lundis, mais nous devions distribuer sur un quartier et demi (50 % de travail supplémentaire) les trois autres. En fait, il s'agissait d'acheter nous-mêmes nos repos par un surcroît de travail les autres lundis. Ce qui curieusement n'a pas plu aux collègues.

Pour les Lignes, il s'agissait de ne rien changer. En effet la direction du 10e nous proposait de modifier sur le papier nos horaires de fin de service. Mais bien souvent le travail est fini avant l'heure officielle. Raccourcir la fin de service ne modifiait donc rien pour nous.

Si l'on fait le calcul des 35 heures, ce sont 12 jours de repos par an qui devraient nous être donnés. Mais les syndicats (CGT, SUD et FO) nous ont informés qu'ils s'étaient mis d'accord pour en demander seulement 6. Certains collègues râlaient donc déjà contre les syndicats pour cette raison.

De plus le jeudi matin 30 mars, les syndicats ont fait une prise de parole devant les facteurs de la Piétonne et ceux des Lignes pour expliquer que la direction refusait ces 6 jours de congés à prendre quand nous le voudrions. Au lieu de cela, elle voulait nous imposer de n'en prendre que 5 et lorsqu'elle le déciderait. A la fin de la prise de parole, aucun d'entre nous n'a donc repris le travail. Nous avons décidé d'aller faire le tour des services et nous nous sommes retrouvés à 200, soit 90 % de grévistes, à aller rendre visite à Madame la déléguée d'arrondissement.

Sous ses fenêtres nous avons fait entendre notre détermination à avoir une " sixième semaine " de congés payés. Mais elle nous expliqua que c'était impossible. Pourtant rendez-vous était donné avec elle le lendemain matin pour connaître l'ultime décision de la direction. Et, mis au courant par nos soins, les collègues qui prenaient leur service à 13 heures se mirent eux aussi en grève. Nous maintenions ainsi la pression jusqu'au lendemain.

Vendredi matin, tout le monde s'est réuni pour entendre ce qu'avait à nous dire la direction avec la ferme intention de ne pas reprendre le travail. Toute la matinée nous sommes restés ainsi mobilisés, soit 90 % de grévistes, et ce qui était encore impossible la veille, devint possible. La direction de La Poste du 10e nous accordait 6 jours de congés supplémentaires, sans contrepartie, à prendre en deux fois. Le service de la messagerie se verra aussi doté de deux nouveaux postes. Et face à notre mobilisation, la direction a préféré ne pas nous retenir de salaire en utilisant les jours qu'elle nous devait depuis janvier.

Pour tous il s'agissait d'une victoire, même si nous n'obtenions que six jours. Mais tous sont aussi conscients que prochainement se posera le problème d'augmenter le nombre de facteurs afin que cette réduction du temps de travail ne se fasse pas à la condition d'une augmentation de la charge de travail.