Il y a quarante ans - 21 mars 1960 : Le massacre de Sharpeville31/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1655.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a quarante ans - 21 mars 1960 : Le massacre de Sharpeville

Le 21 mars 1960, une terrible répression policière s'abattait sur des manifestants pacifiques à Sharpeville, en Afrique du Sud, qui protestaient contre l'Apartheid. La fusillade fit, offciellement du moins, 69 morts et 186 blessés.

A la suite de ce massacre, des grèves, des manifestations spontanées et des révoltes éclatèrent partout dans les cités noires, durement réprimées. Dans les affrontements qui suivirent entre le 21 mars et le 9 avril 1960, la police fit encore 83 morts et 365 blessés de plus. Les principaux partis qui combattaient l'Apartheid, l'ANC (African National Congress) de Mandela et le PAC (Pan African Congress, parti panafricain issu d'une scission de PANC) furent interdits le 8 avril 1960, et de nombreux militants durent s'exiler.

Au départ de ces événements, le 21 mars 1960, dans le township (banlieue dortoir misérable réservée aux Noirs en Afrique du Sud) de Sharpeville, au sud de Johannesburg, plus de 5000 personnes manifestaient pacifiquement contre le système de l'Apartheid quand la police fit feu sur la foule.

Le régime d'Apartheid

Le régime de l'Apartheid avait été mis en place en 1948 par le Parti Nationaliste au pouvoir, qui entendait séparer l'immense majorité de la population noire (11 millions de Noirs en 1960) en la par, quant dans des Bantoustans, de la minorité blanche (3 millions de personnes en 1960) qui concentrait toutes les richesses économiques et toutes les rênes du pouvoir. 13 % du territoire était ainsi attribué aux Noirs, qui représentaient 70 % de la population. Seuls étaient autorisés à venir travailler en zone blanche les travailleurs valides munis d'un pass (laissezpasser) précisant leur groupe racial, lieu de résidence, horaires et lieux de travail en zone blanche, etc. Ces travailleurs avaient le statut de migrants dans leur propre pays et devaient porter ces pass sur eux pour pouvoir les présenter à la police à tout moment, sous peine d'amende, de prison ou de travaux forcés.

C'est en particulier contre ce système des pass que les manifestants de Sharpeville défilaient.

En Afrique du Sud se retrouvaient ainsi face à face une minorité blanche bien décidée à exercer la violence pour maintenir son pouvoir et ses richesses, et un peuple qui subissait chaque jour de plus en plus l'oppression.

Des années de repression

Mais surtout, pour de nombreux Sud-Africains noirs, la leçon de Sharpeville fut qu'il ne fallait plus compter sur une évolution pacifique de la situation et qu'il fallait prendre les armes pour combattre le régime raciste de Pretoria. C'est à la suite de ce massacre que Mandela fonda le mouvement de lutte armée de PANC, ce qui allait lui valoir de longues années de prison à partir de 1962. Il déclara lors de son procès: " Nous avions toujours milité au sein de 1 ANC en faveur d'une démocratie multiraciale [...] mais les faits dans leur dure réalité montraient que cinquante années de non-violence n'avaient rien apporté d'autre aux Africains qu'une législation toujours plus répressive et des droits toujours moins nombreux... Après le massacre de Sharpeville, nous eûmes le sentiment que les Africains ne pouvaient pas, sans faire usage de la violence, triompher un jour dans la lutte qu'ils avaient engagée contre le principe de la suprématie des Blancs. Nous n'avions plus que cette alternative: ou bien nous acceptions de demeurer en permanence dans l'infériorité, ou bien nous entrions en lutte contre le gouvernement. Nous avons opté pour le second parti ".

Mais la lutte armée de l'ANC consista avant tout à organiser à l'aide de commandos des sabotages d'objectifs militaires ou symboliques, et l'ANC ne proposa jamais de perspectives révolutionnaires à la classe ouvrière noire et à la population pauvre qui avaient pourtant montré dans les événements leur force et leur détermination.

Après Sharpeville, la répression politique s'abattit lourdement pendant plusieurs années, contraignant les militants sinon à la prison, du moins à l'exil, ce qui permit au régime raciste de profiter de quelques années de relative paix sociale pour consolider son système. Mais dix ans plus tard allaient éclater à nouveau de grandes flambées de colère, de grèves et de manifestations dans la population, culminant avec la révolte de Soweto en 1976; suivie de nombreuses manifestations jusqu'à la fin de l'Apartheid en 1990 et la libération de Mandela, après 27 années de prison.

Le 21 mars, date anniversaire du massacre de Sharpeville, est devenu par une décision des Nations Unies de 1966 une journée internationale contre le racisme. Elle reste en tout cas un symbole de la férocité de ce régime de l'Apartheid, qui a pu régner 42 ans en Afrique du Sud.

Aujourd'hui, le régime de Pretoria a dû se débarrasser de ce système de racisme institutionnalisé, qui menaçait d'entraîner une véritable explosion politique et sociale, et associer au pouvoir politique une bourgeoisie et une petite bourgeoisie noires. Cela n'a pas mis fin pour autant à la misère pour la grande majorité des Noirs d'Afrique du Sud. L' " apartheid social ", qui sépare comme sur le reste de la planète les riches et les pauvres, reste encore à abattre.

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