Accident de camion : Les patrons ne courent de risques ni sur la route ni au tribunal31/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1655.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Accident de camion : Les patrons ne courent de risques ni sur la route ni au tribunal

En octobre 1996 un accident provoqué par un camion incontrôlé faisait cinq tués dans une voiture. Le procès vient d'avoir lieu et le jugement devrait être rendu dans six semaines. Le conducteur du camion, ancien assistant technique ayant perdu son emploi (de quelle façon on l'ignore, mais cela a évidemment joué pour la suite) est devenu alors chauffeur routier. Il n'a trouvé de travail que dans une entreprise d'intérim, la SMBO, comme des centaines de milliers de salariés précaires. Il espérait, dit-il, trouver du travail en fixe, et se " défonçait " comme un malade.

Ce travailleur pratiquait en effet deux emplois à plein temps, pour deux sociétés différentes, cumulant des horaires ahurissants : 98 heures par exemple la semaine de l'accident, alors que le maximum légal est de 45 heures. Durant au moins six mois il a dépassé régulièrement les 300 heures mensuelles, allant jusqu'à 362 heures ! Et au cours des 31 heures précédant l'accident, il avait conduit ses camions durant 26 heures. Autant dire qu'il ne dormait quasiment pas. Et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé au volant d'un semi-remorque de 44 tonnes dont il a perdu le contrôle, faisant un tête-à-queue sur l'autoroute, franchissant le muret de séparation des voies et percutant une voiture roulant en sens inverse dont tous les cinq occupants ont été tués.

Sans doute l'attitude de ce chauffeur a été irresponsable.

Mais le conducteur n'était tout de même pas seul en cause : son entreprise d'intérim connaissait parfaitement ses horaires puisqu'elle les décomptait et les payait. Les infractions étaient visibles et établies. Elle a pourtant laissé faire, se rendant au moins aussi coupable que le camionneur.

Durant le procès, le ministère public a réclamé dix-huit mois de prison, dont six mois ferme pour le conducteur, et des peines uniquement avec sursis pour trois responsables de la société d'intérim.

Des chauffeurs inconscients, mais poussés par tout un système et par la crainte du chômage, prennent d'énormes risques sur la route (car ce cas, s'il est exceptionnel n'est pas unique), en font courir à tous les usagers, et finissent parfois par aller en prison, alors que des dirigeants d'entreprises, parfaitement conscients, profitent de ces travailleurs, et sont menacés tout au plus d'une peine avec sursis.

Et pendant qu'au tribunal le représentant de l'Etat agit ainsi, celui-ci va lancer une nouvelle campagne contre les accidents de la route...

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