Retraites : Jospin rendu prudent24/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1654.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Retraites : Jospin rendu prudent

Dans un climat politique marqué par les conflits qui se poursuivent dans le secteur public en particulier, Jospin a préféré jouer la prudence et se garder d'annoncer une réforme trop précise des retraites.

A entendre et à lire son projet, énoncé le 21 mars, il paraît évident qu'il a reculé devant le risque de déclencher encore la colère chez l'ensemble des travailleurs du secteur public comme de tous ceux qui bénéficient d'un système de retraite plus avantageux que celui du régime général des entreprises privées. Le souvenir des mésaventures de son prédécesseur Juppé , s'attaquant au système de retraite des cheminots en particulier, à l'automne de 1995, et déclenchant l'une des plus importantes vagues de grèves de ces dernières années, lui était visiblement très en mémoire. Et c'est tant mieux.

Mais malgré tout, avec ses phrases alambiquées et son art de tourner autour du pot avant d'avouer ce que lui et son gouvernement mijotent, Jospin a fait comprendre qu'il a bien l'intention d'essayer de revoir de fond en comble tous les systèmes de retraite et en particulier, de niveler tous les régimes par le bas. Et face à un tel projet, il n'y a que la peur salutaire que sauront imposer l'ensemble des travailleurs au gouvernement qui peut empêcher une nouvelle dégradation des conditions de départ en retraite.

En attendant Jospin a bien l'intention de faire en sorte que les organisations syndicales représentatives s'engagent à faire accepter par les travailleurs la réforme projetée. Pour lui, pas question de procéder comme ce maladroit de Juppé . Il faut d'abord et avant tout faire jouer, ainsi qu'il l'a dit et répété , la concertation, la discussion, la négociation. Pour ce faire, il entend y compris mettre en place un grand " Conseil d'orientation des retraites " qui serait, selon son expression, un organe de concertation permanente entre les partenaires sociaux, siègeant aux côtés de parlementaires et autres personnalités prétendument compétentes.

Quant au contenu lui-même de la réforme, il reste pour l'instant au niveau des intentions. Mais si Jospin n'a pas osé annoncer le recul de l'âge de départ en retraite dans le secteur public en l'alignant sur l'âge que Balladur, en 1993, avait imposé aux travailleurs des entreprises privées, il a quand même laissé entendre qu'il faudrait bien en arriver là, c'est-à-dire porter à 40 au lieu de 37 et demi le nombre d'années de cotisation nécessaire, en comptant sur la concertation avec les syndicats pour faire passer cette mesure.

Jospin n'a pas non plus osé céder ouvertement aux exigences des groupes d'assurance et des financiers, qui voudraient remplacer le système de retraites par répartition par un système de retraites par capitalisation, leur permettant de faire main basse sur les retraites et subordonnant leur montant aux marchés financiers. Mais derrière sa défense de la retraite par répartition, il est évident que la porte reste ouverte aux fonds de pension, en attendant peut-être une période plus favorable.

Une retraite convenable est un droit après toute une vie de labeur. S'il était vrai que la croissance du nombre de retraités par rapport aux actifs menaçait le système par répartition, il faudrait que l'Etat contribue au financement des retraites en prenant sur les profits des grands groupes. En fait, les mensonges sur la prétendue menace de déséquilibre du système par répartition dissimulent le fait que la productivité des actifs, aujourd'hui proportionnellement moins nombreux qu'il y a quarante ou cinquante ans, a été plusieurs fois multipliée. Le problème n'est pas celui de la croissance du nombre des travailleurs âgés mais de la diminution des salaires de ceux qui ont un emploi, et la diminution de la masse salariale globale, du fait du chômage et des emplois précaires.

Il y va de l'intérêt commun de tous les salariés en activité , des chômeurs, des retraités, d'imposer qu'un travail et un salaire correct soient assurés à tous ceux qui sont en âge d'avoir un emploi. Alors, il n'y aurait plus de problème pour assurer une retraite convenable aux anciens.

Jospin, le gouvernement et l'ensemble du patronat projettent de nouvelles attaques contre l'ensemble du monde du travail, à travers la remise en cause globale du système des retraites. Aujourd'hui, Jospin a fait montre de prudence, bien inspirée par la peur des réactions de la classe ouvrière. Mais il reviendra à la charge et, l'expérience de 1995 l'enseigne, seule la lutte de l'ensemble des travailleurs pourra stopper les mauvais coups.

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