Pechiney Aluminium-Dunkerque : Tous ensemble dans la grève !10/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1652.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Pechiney Aluminium-Dunkerque : Tous ensemble dans la grève !

A Pechiney Aluminium - Dunkerque, la troisième semaine de grève a été entamée à l'unanimité et avec détermination.

Prétextant notre refus de laisser entrer le directeur et les non-grévistes dans l'entreprise, la direction refuse jusqu'à présent d'engager de vraies négociations sur l'application des 35 heures telles que nous les voulons.

Lorsque la grève a été décidée et votée par chaque équipe, la direction campait sur ses positions, et parlait de " neutralité économique ". Pour 7 jours de réduction du temps de travail, on aurait dû accepter 4,7 millions d'économies sur la masse salariale, avec le blocage des salaires pendant 5 ans, la réduction des primes d'ancienneté, la baisse de 1 % du budget du CE... et bien sûr pas d'embauche. Ce qui fait que c'est nous qui devions financer les 35 heures !

Mais dans les ateliers et les bureaux, presque personne n'envisageait de faire encore des sacrifices... pour que les actionnaires fassent encore plus de profits. Depuis des années, de plans " Challenge " et " Top Ten " en audits externes, comme le cabinet Mac Kinsey, les seules préoccupations de la direction concernaient la réduction des coûts de 20 à 40 %, pour atteindre la norme actuelle des 15 % de taux de profit sur les capitaux investis. La tension montait d'autant contre ceux dont la seule activité est de nous presser comme des citrons.

L'intensité du courant était augmentée pour accroître la production, avec tous les risques et la charge de travail supplémentaire, le nombre d'opérateurs diminuait, la sécurité passait après le reste, les salaires étaient quasiment bloqués, et le PDG de Pechiney, Rodier, annonçait fièrement que la situation dans l'aluminium était " euphorique ".

Mais comme nous, nous ne fumons pas des dollars pour être " euphoriques ", quand la direction a annoncé son plan de réduction du temps de travail (RTT) pesant entièrement sur nos épaules, tout le monde a compris qu'il fallait arrêter là la course aux sacrifices.

Les techniciens et le personnel des bureaux, dont le nombre est réduit dans cette entreprise, n'ont pas été les derniers à dire ça suffit, en décidant la grève, ou au moins la neutralité devant la grève.

L'encadrement est mis sous pression par la direction qui lui demande de nous pousser dans le dos, au mépris même des règles de sécurité et de l'entretien du matériel. Et il se retrouve confronté aux opérateurs qui savent faire leur travail de façon quasi autonome, comme la maîtrise de la production pendant la grève le démontre une fois de plus. Alors l'encadrement, lui non plus ne marche plus dans le système.

Les profits d'Aluminium-Dunkerque sont plus que confortables : 110 millions en 1999, 1,7 milliard pour le groupe Pechiney. Ce qui fait que, dans le cadre de la RTT, notre exigence de 15 jours de repos supplémentaires pour les postés, 19 jours pour le personnel de jour, encadrement compris (ou la semaine de 4 jours) et l'embauche de 40 salariés, opérateurs et encadrement, notamment ceux qui sont en contrats de qualification, en CDD ou en intérim n'est pas démesurée. D'autant plus que l'entreprise toucherait au minimum 2,2 millions par an par la réduction des cotisations sociales.

Selon la direction, le coût de nos revendications s'élèverait à 14 millions par an. En ce moment elle perd 1,8 million par jour. En deux semaines de grève, la direction de Pechiney a perdu plus que ce qu'elle nous aurait cédé. Il ne s'agit donc pas seulement d'un problème financier, ni d'un problème local limité à Aluminium-Dunkerque.

Dans cette période où tous les patrons, avec l'aide du gouvernement, font reculer les salaires et les conditions de travail pour accroître leurs profits, la direction de Pechiney est solidaire des intérêts généraux des gros actionnaires et des banquiers : il faut refuser toute concession aux salariés ou, s'il y a concession, il faut qu'elle coûte suffisamment cher aux travailleurs pour que ça n'incite pas d'autres secteurs à se mettre en lutte pour exiger à leur tour des embauches et le maintien des revenus, sinon leur augmentation.

Et c'est là que l'engagement dans la lutte d'autres entreprises au moins déjà dans le groupe Pechiney serait une nécessité. D'ailleurs la direction de l'usine de Gardanne ne s'y est pas trompée en " conseillant " aux syndicats de " laisser AD essuyer les plâtres " lors de la dernière réunion des délégués du personnel. Dans plusieurs entreprises du groupe, des débrayages, allant de 2 heures à des grèves de 24 heures, ont été organisés. Il faudrait qu'ils soient le début d'une grève qui s'étende dans le groupe.

En tout cas, à Dunkerque, une usine qui compte 560 travailleurs, le moral est bon et on se prépare à tenir.

La production est bien maîtrisée et comme nous sommes 80 % d'opérateurs en grève, le travail nécessaire, pour maintenir l'électrolyse dans les cuves d'aluminium, est moins lourd que lors de la dernière grève en 1994. Et cette fois, les opérateurs d'autres ateliers viennent donner un coup de main dans le secteur de l'électrolyse qui nécessite un entretien régulier des cuves.

La grève, à laquelle participent 50 % des employés de bureau, secrétaires, techniciens et un cadre, permet à tout le monde de visiter l'entreprise et de se rendre compte de la réalité des problèmes. Il en ressort une plus grande cohésion et fraternité.

Après être allés à Paris nous faire entendre du PDG Rodier et de ses cadres, nous sommes entrés dans ECL à Ronchin (banlieue lilloise), une entreprise du groupe. L'ensemble du personnel a participé avec nous à deux AG. Nous avons pu faire le constat que nos problèmes étaient communs. La direction, prudente, a annoncé aux délégués que les négociations sur la RTT seraient reprises rapidement...

Et nous envisageons d'autres " visites " du même type.

Sur place, en plus de la grève et des barbecues pour l'ambiance, nous avons demandé au tribunal de grande instance de faire entrer un huissier dans l'entreprise pour faire constater son fonctionnement, ce qui fut accordé. Un huissier a dû aussi constater que la direction, retranchée dans un hôtel près de là, à Gravelines, refusait nos propositions de négociations... " tant qu'on ne la laisserait pas entrer dans l'entreprise ".

La détermination est intacte. La grève est votée à l'unanimité à main levée lors de l'AG quotidienne, avec maintenant plus de 250 participants. Tous les syndicats, CGT, CFDT, FO, CFE-CGC sont dans le coup.

Mercredi 8 mars, neuf grévistes étaient assignés au tribunal de grande instance de Dunkerque, pour entrave à la liberté du travail. Nous nous préparions à aller nombreux les soutenir. Cela n'entravera en rien notre détermination. Nous sommes prêts à tenir une troisième semaine et plus si nécessaire.

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