Espagne : À quelques jours des élections générales10/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1652.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : À quelques jours des élections générales

C'est ce dimanche 12 mars que se dérouleront les élections générales en Espagne ainsi que les élections au Parlement régional d'Andalousie, région qui est un bastion traditionnel du PSOE où la gauche obtient généralement ses meilleurs résultats.

A quelques jours du scrutin, les sondages pronostiquent un succès de la droite aux élections pour le Parlement national d'où sera issu le nouveau gouvernement. Le Parti Populaire actuellement au pouvoir l'emporterait en effet de 4,6 points sur le PSOE, tandis que Izquierda Unida (IU, la Gauche Unie), qui est une coalition dirigée par le Parti Communiste, devrait subir un recul par rapport aux législatives précédentes. Mais ce ne sont là que des sondages.

La campagne est aussi bien sûr largement marquée par la situation au Pays Basque où la reprise des attentats de l'organisation séparatiste basque ETA et l'appel à l'abstention lancé par le regroupement séparatiste Herri Batasuna, lié à l'ETA, s'accompagnent d'une recrudescence des tensions entre " espagnolistes " et nationalistes, et dans le camp de ces derniers entre les nationalistes radicaux et les nationalistes modérés. En assassinant dès le début de la campagne électorale un dirigeant socialiste et son garde du corps, l'ETA a voulu démontrer aux dirigeants politiques, au pouvoir à Madrid ou qui aspirent à y revenir, que la trêve n'était pas un abandon définitif de la lutte armée. Mais elle a aussi choisi de mettre au pied du mur les dirigeants du parti nationaliste modéré qu'est le PNV (le Parti Nationaliste Basque) en l'obligeant à mesurer les conséquences de la rupture de l'alliance entre le PNV et le regroupement lié à l'ETA qu'est Herri Batasuna.

Le très récent attentat du lundi 6 mars, à Saint-Sébastien, les menaces proférées par l'ETA de frapper encore plus fort sont sans doute destinés à faire pression sur le PNV pour le convaincre qu'une condamnation ouverte de l'ETA et une rupture de l'alliance feraient basculer le Pays Basque dans une nouvelle escalade du terrorisme. En tout cas, les tensions entretenues aussi bien par les partis nationalistes, l'ETA et le PNV, que par les partis dits " nationaux ", le Parti Populaire et le PSOE, autour des revendications nationalistes sont en train de creuser un fossé entre " nationalistes basques " et " espagnolistes " qui est apparu dans les manifestations de rue qui ont eu lieu à la suite des attentats.

A l'échelle de l'ensemble du pays, le Parti Populaire (le PP), au pouvoir depuis quatre ans, mène une campagne triomphaliste autour du thème : " L'Espagne va bien ". Il conviendrait d'ajouter que si elle " va bien ", c'est pour les patrons ! Car, pendant son mandat, la nouvelle " Réforme du travail " que ce gouvernement a négociée avec les syndicats a facilité le recours aux licenciements en même temps qu'elle en abaissait le coût. La propagande du PP insiste sur la diminution du chômage, mais l'Espagne reste l'un des pays d'Europe où son taux est le plus élevé tandis que les emplois créés sont dans leur grande majorité précaires. Le taux d'emplois temporaires est de 33 %. 60 % des contrats précaires durent moins d'un mois. 1,7 % seulement dépassent les six mois : voilà la réalité. Quant au " plat de résistance " de la campagne du Parti Populaire, qu'il appelle la " révolution fiscale ", elle doit abaisser les impôts... des plus riches tandis que les travailleurs vont continuer à souffrir de l'augmentation des impôts indirects.

Face à la politique ouvertement propatronale du PP, la gauche n'ouvre aucune perspective aux travailleurs. Peu de temps avant le début de la campagne électorale, le PSOE et IU ont conclu un accord électoral qui consiste à présenter des candidatures unitaires au Sénat et à assurer le soutien de IU à la possible investiture du leader du PSOE, Almunia, comme président du gouvernement. Les deux partis pensent que cet accord va rendre plus crédible aux yeux des travailleurs la perspective d'un gouvernement de gauche. Ils espèrent ainsi récupérer les voix de larges secteurs populaires qui, mécontents de la politique passée de la gauche au pouvoir, ou déçus par la politique d'IU, ont été à chaque élection plus nombreux à s'abstenir.

Mais le programme commun ne contient aucun engagement vis-à-vis des travailleurs qui ont un emploi comme vis-à-vis des chômeurs. Récemment, Almunia, le leader du PSOE, affirmait devant des représentants du patronat que le programme commun de la gauche respecterait la rigueur économique : contrôle de l'inflation, du déficit, de la dette publique. C'est-à-dire que les dirigeants de la gauche s'engagent à respecter les engagements de la droite et à reprendre à leur compte le plan de Stabilité qui, pendant des années, a servi à justifier les attaques contre le niveau de vie des travailleurs. Almunia a aussi précisé qu'il n'augmenterait pas les impôts des sociétés, que les 35 heures se traduiraient par des subventions aux entreprises, en même temps qu'il se vantait que le gouvernement du PSOE ait été celui ayant commencé les privatisations, et en ayant réalisé le plus grand nombre.

Quant à IU (la Gauche Unie), son candidat, Frutos (qui est l'actuel Secrétaire général du PCE), semble de plus en plus une marionnette aux mains d'Almunia, répétant presque mot pour mot les termes du leader socialiste, en insistant simplement sur le fait qu'un vote important pour IU ferait peut-être évoluer un peu plus à gauche le PSOE et permettrait ainsi au futur gouvernement de gauche de mener une politique plus sociale. Mais il semble que cette perspective soulève bien peu d'enthousiasme dans les milieux populaires qui se situent à gauche du PSOE ou parmi ceux que la politique de ce dernier a profondément déçus. Le vote pour IU apparaît en effet comme un appui au PSOE et une façon d'être complice d'une politique qui, loin de servir les intérêts des travailleurs, a contribué à les léser. Nombreux sont ceux qui sentent que, loin de tirer le PSOE à gauche, les dirigeants d'Izquierda Unida se laissent dériver vers des positions de plus en plus modérées. Et toute cette campagne montre que l'intérêt de la classe ouvrière espagnole n'est certainement pas de s'aligner derrière ces partis au service de la bourgeoisie mais de se donner les moyens de défendre collectivement ses intérêts économiques comme ses intérêts politiques.

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