Tchétchénie : Crimes de guerre sans témoins03/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1651.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchétchénie : Crimes de guerre sans témoins

Les autorités russes ont beau avoir bouclé non seulement Grozny mais quasiment l'ensemble de la Tchétchénie afin d'empêcher les journalistes de s'y rendre, les témoignages continuent d'affluer au sujet des exactions qu'y commet l'armée russe.

Ils disent tous la même chose. Les combattants tchétchènes ou supposés tels (il suffit souvent d'être simplement en âge de combattre) sont torturés, exécutés. Les civils sont rançonnés et assassinés à la moindre protestation. Les femmes sont souvent violées. Le pillage est général. Les " camps de filtration " sont des centres de torture. Bien pire que les soldats russes, qui font parfois preuve de mansuétude, il y a les forces spéciales, les OMON et surtout les mercenaires (Kontraktniki) chargés de terroriser ce qui reste d'habitants sur place et qui se payent, sous forme de viols, tortures, exécutions sommaires et pillages, sur leurs victimes.

Bref, il n'y a absolument aucun doute, la soldatesque russe est en train de rejoindre au palmarès des exactions bien des armées occidentales lors des guerres coloniales, et se hisse en ce moment au niveau des militaires et tortionnaires français de la guerre d'Algérie.

Bien entendu, comme d'autres avant eux, les autorités russes démentent tout en bloc, les tortures et les massacres. Il ne s'agit, prétendent-elles, que de rumeurs malveillantes, de désinformation que font courir les Tchétchènes et leurs amis, pour discréditer la Russie. On croirait entendre, à quelques décennies d'intervalle, les partisans de l'Algérie française dénonçant " l'anti-France " !

Mais si les dirigeants russes se plaignent de ce que disent des journalistes, eh bien, ils n'ont qu'à les laisser aller voir sur place par eux-mêmes !

Oh, bien sûr, UN émissaire (pas deux !) du Conseil de l'Europe a pu se rendre en Tchétchénie. Mais pour y voir quoi ? Une ville détruite ? Certes, et le reste ?

C'est une sinistre comédie, dont se rendent complices l'envoyé en question et le Conseil de l'Europe, car cette prétendue visite ne pourra que servir de caution au régime russe. " Vous voyez ", diront les dirigeants russes, " un envoyé occidental est venu, et il n'a rien vu de tout ce qu'on nous reproche ".

En fait, depuis le début de la guerre en Tchétchénie, les Occidentaux se montrent extraordinairement timorés sur cette question. En réalité, les Védrine, Jospin, Clinton, etc. ne veulent gêner en rien l'accession de Poutine au pouvoir lors de l'élection présidentielle russe du 26 mars. Et donc ne pas lui mettre de bâtons dans les roues au sujet de la Tchétchénie.

Et n'oublions pas que si Poutine est élu, ce qui est quasiment assuré, les Jospin, Clinton et compagnie devront bien aller lui serrer la main à un moment ou un autre et traiter avec lui, et l'inviter dans des conférences internationales. Chirac l'a même d'ores et déjà invité à l'Elysée ! Dénoncer Poutine comme un criminel - ce qu'il est incontestablement - ne peut que rendre plus difficiles ces prochaines relations Est-Ouest que chacun des dirigeants des grandes puissances souhaite d'avance cordiales et fructueuses.

Alors les Tchétchènes sont abandonnés à leur sort par les tenants du monde qui se dit civilisé, par les partisans hypocrites de " l'humanisme ", de " l'Etat de droit ", et autres balivernes destinées à la galerie.

Seulement les Tchétchènes savent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et, si Grozny est tombée, la guerre continue dans les montagnes du Caucase, et le régime russe est loin d'avoir remporté la partie. D'autant plus que les exactions ne peuvent que pousser de nouveaux combattants à se dresser contre lui.

Partager