Plus dangereux que tous les autres... le virus du profit capitaliste03/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1651.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Plus dangereux que tous les autres... le virus du profit capitaliste

On ne sait pas encore quelle est l'entreprise à l'origine de la propagation de la bactérie responsable de la listériose. Mais l'enquête pour le déterminer lève un coin du voile sur certaines pratiques de l'industrie agro-alimentaire.

Malgré la médiatisation, les cas d'empoisonnement alimentaire ne sont certes pas plus nombreux que dans le passé. Sans doute le progrès technique en matière de conservation, le perfectionnement de la chaîne du froid, les contrôles, permettent-ils de limiter les dégâts alors même que l'industrialisation de la production alimentaire fait que les grandes chaînes commerciales contribuent à la diffusion des produits à une échelle plus large que jamais.

L'enquête a pourtant attiré l'attention sur cette entreprise qui recyclait des produits avariés en enlevant le moisi pour les revendre avec une date de fabrication falsifiée et qui, même lorsqu'elle a été contrôlée, a continué à commercialiser les produits mis en cause.

D'anciens ouvriers de cette entreprise témoignent de la saleté des lieux, des autoclaves qui n'étaient plus aux normes ou des chaînes de production qu'on n'arrêtait pas pendant les nettoyages ou les réparations. Manifestement, pour cette entreprise, l'hygiène élémentaire elle-même n'était qu'un surcoût qu'il fallait diminuer.

Plusieurs scandales récents ont montré que des entreprises qui, pour faire plus de profits, se jouent des règles sanitaires, il y en a bien d'autres. On pourrait se dire qu'il s'agit souvent de petites entreprises étranglées par la concurrence. Mais ces trusts de l'industrie alimentaire, qui avaient imposé aux agriculteurs l'utilisation généralisée de farines animales et qui ont continué à le faire même lorsque se sont révélés les premiers cas de " vache folle ", et la possibilité de transmission de leur maladie à l'homme, sont des entreprises puissantes et riches.

Le véritable problème de la sécurité alimentaire n'est pas technique. Les techniques, elles, ne cessent de progresser. Mais on n'a pas encore trouvé de quoi neutraliser ce virus dangereux entre tous qu'est la recherche du profit.

Les entreprises de l'industrie agro-alimentaire ne sont ni meilleures ni pires que bien d'autres, comme Total par exemple, une des entreprises les plus riches du pays, qui, pour augmenter ses profits, a pris le risque d'une catastrophe écologique. Et, malgré les promesses de son PDG de réparer les dégâts dont son entreprise est responsable, ce ne sont toujours que des employés municipaux, des pompiers ou des bénévoles qui s'acharnent à ramasser les plaques de pétrole. Une fraction dérisoire des profits de Total suffirait pourtant pour embaucher et pour équiper le nombre de travailleurs qu'il faut et le temps qu'il faut pour nettoyer les côtes polluées. Mais Total, le pollueur, ne se considère responsable que devant ses actionnaires, pas devant la société.

Bien au-delà de ces atteintes à l'environnement ou à la sécurité alimentaire, la recherche du profit des grandes entreprises est responsable de bien d'autres catastrophes, et bien plus graves, pour la société. A commencer par ces suppressions massives d'emplois qui aggravent ce drame individuel et social qu'est le chômage, souvent dans l'unique but d'accroître les profits boursiers d'une poignée d'actionnaires.

Les progrès scientifiques ou techniques ne protègent pas l'humanité des nuisances d'une organisation économique dont le seul moteur est la recherche du profit. Le nucléaire et la génétique en témoignent : c'est au contraire la soif du profit qui risque de transformer tout progrès scientifique et technique en source de menaces nouvelles pour l'humanité.

L'humanité ne maîtrisera sa sécurité alimentaire ou son environnement à la hauteur de ses possibilités que lorsqu'elle maîtrisera sa propre organisation économique et sociale en enlevant à la minorité capitaliste son pouvoir sur l'économie. Ce n'est que lorsque la production cessera d'être organisée pour rapporter du profit à quelques-uns qu'elle pourra satisfaire, au mieux, les besoins de tous.

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