États-Unis : La barbarie de la peine de mort03/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1651.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : La barbarie de la peine de mort

L'exécution d'une grand-mère impotente de 62 ans au Texas, condamnée à mort depuis 1985 pour avoir assassiné ses deux derniers maris, et à qui le gouverneur a finalement refusé sa grâce, a une nouvelle fois soulevé l'émotion devant cet acte barbare perpétré de sang-froid et de plus en plus fréquent aux USA. Il s'agissait cette fois d'une femme et d'une Blanche, ce qui a contribué à attirer l'attention des media internationaux. Mais la veille un autre condamné à mort avait été exécuté.

Multiplication des exécutions capitales

De plus en plus nombreuses sont les protestations contre la violence de la répression qui sévit aux USA, sans enrayer pour autant la criminalité qui est l'une des plus élevées de tous les pays industriels. L'incapacité de la société à contenir la criminalité engendre une répression de plus en plus ample et de plus en plus arbitraire. Ainsi en dix ans, de 1990 à nos jours, le nombre de personnes incarcérées a doublé, passant de un à deux millions. Pour passer de 500 000 à 1 million, il avait fallu 90 ans ! Quant aux exécutions de condamnés à mort, elles ont repris en 1977 après une décennie d'interruption. Cent personnes furent exécutées dans les onze années qui suivirent mais, pour la seule année 1999, près d'une centaine d'exécutions ont eu lieu. C'est dire à quel point le rythme des condamnations et des exécutions s'est accéléré. Aujourd'hui 38 des cinquante Etats américains appliquent la peine de mort et il est régulièrement question de la rétablir dans d'autres. Près de 4 000 condamnés à mort attendent leur exécution, sept fois plus qu'il y a vingt ans.

Fréquentes erreurs judiciaires

Les erreurs judiciaires se multiplient avec les condamnations. Mais jusqu'ici un seul Etat, l'Illinois, a décidé de suspendre toutes les exécutions, les condamnés à mort qui ont été libérés après que les erreurs judiciaires eurent été établies étant plus nombreux que les condamnés effectivement exécutés. Clinton a, lui, refusé tout moratoire des exécutions capitales et laissé à chaque Etat le soin d'examiner la question.

Pourtant le seul fait que près d'un tiers des exécutions ont lieu dans le seul Etat du Texas et que les quatre cinquièmes des exécutions ont lieu dans le sud des USA illustre le caractère arbitraire de la peine de mort. De même, de grandes différences peuvent exister au sein d'un même Etat. Ainsi à Philadelphie où il y a trois fois plus de meurtres qu'à Pittsburgh, il y a onze fois plus de condamnations à mort. Il faut dire que c'est là que sévit le juge Sabo qui a condamné à mort Mumia Abu Jamal, et qui est responsable de plus d'un cinquième de toutes les condamnations à mort de tout l'Etat de Pennsylvanie.

Discrimination raciale et sociale

Et surtout la plupart des condamnations à mort obéissent en fait à des critères raciaux et des critères sociaux. La Cour suprême des USA elle-même a reconnu le caractère arbitraire des condamnations à mort, mais c'est à la victime de faire la preuve de la partialité du jugement qui la frappe !

Moins de la moitié des meurtres sont perpétrés sur des Blancs mais il y a quatre fois plus de condamnations à mort pour l'assassinat de Blancs que pour l'assassinat de Noirs ! Par ailleurs, selon une étude réalisée en Pennsylvanie, un accusé noir a quatre fois plus de risques d'être exécuté qu'un accusé blanc dans les mêmes conditions.

Enfin, le système judiciaire est tel aux USA que seuls ceux qui ont les moyens de payer un bon avocat et les investigations auxquelles il a la charge de procéder peuvent faire valoir leurs droits. Une étude réalisée par l'Etat de New York estime en moyenne à 600 000 dollars (3 600 000 F) la somme nécessaire pour se défendre correctement lorsqu'on est accusé de meurtre. Les pauvres ont droit à un avocat nommé d'office et doté au mieux de 2 000 dollars et parfois de rien du tout. Et sur les près de 4 000 condamnés à mort, seuls une vingtaine avaient les moyens de se défendre et plus de 90 % n'avaient pas les moyens de se payer un avocat.

C'est dire que les condamnés à mort pauvres ont encore moins les moyens de réunir de nouveaux éléments permettant de démontrer l'erreur judiciaire. Les erreurs révélées dans l'Illinois l'ont été parce que des bénévoles (un professeur de droit et ses élèves, des journalistes, etc.) se sont transformés en enquêteurs pour démontrer les enquêtes bâclées, les subornations de témoins, les fausses preuves, les aveux extorqués par mauvais traitements, bref tout ce qui fait manifestement le quotidien de la répression policière et judiciaire. Il en a été de même pour Odell Barnes qui a toujours clamé son innocence et dont le cas fut pris en charge par une association française. Les pauvres, les faibles, les simples d'esprit, les marginaux sans relations sont la cible favorite des policiers en mal de coupables.

Une société barbare

Alors oui, le fonctionnement de la machine de répression est inhumain, barbare et qui plus est totalement inefficace contre la criminalité, ce que l'immense majorité des policiers américains reconnaissent. Car la criminalité se développe sur le terreau de l'organisation sociale capitaliste, et c'est l'incapacité de l'enrayer dans le cadre de ce système qui amène les politiciens, relayés par les journalistes complaisants, à faire croire à la population qu'on se préoccupe de sa sécurité en condamnant à mort à tour de bras.

Et depuis un quart de siècle que la crise économique a fait reculer la société des dizaines d'années en arrière, à l'aube du troisième millénaire, dans le pays le plus riche et développé de la planète, la peine de mort est un enjeu dans la bataille électorale qui s'annonce. Des pauvres gens vont être exécutés parce que cela paye électoralement. Le candidat républicain, George W. Bush, en est convaincu, lui qui a laissé exécuter 120 personnes au Texas depuis qu'il est devenu gouverneur en 1995. Quant aux candidats démocrates, qui se gardent bien de s'opposer à lui sur ce terrain, ils vont peut-être tenter de montrer qu'ils sont aussi fermes que lui, comme Clinton l'avait fait en son temps.

Écraser les autres, jouer avec leur vie pour servir ses propres intérêts, tel est le comportement des hommes d'Etat, suivant d'ailleurs en cela les comportements des capitalistes qui dominent le monde. Il faudra bien se débarrasser un jour de tous ces criminels-là pour sortir enfin de la barbarie.

Partager