Albemarle (Thann - Haut-Rhin) : On ne badine pas avec la sécurité !03/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1651.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Albemarle (Thann - Haut-Rhin) : On ne badine pas avec la sécurité !

Nous sommes plus d'un millier sur le site d'Albemarle et Millenium, à Thann, dans le Haut-Rhin, à produire principalement des dérivés du brome pour l'industrie pharmaceutique. Mais on y trouve aussi des cuves de chlore, d'acide sulfurique, cyanhydrique et d'autres produits dangereux destinés à la sidérurgie. Il y a quelques années encore, l'usine appartenait à RhônePoulenc. En. 1993, dans un premier temps, Rhône-Poulenc a vendu la moitié PPC de l'usine (Potasse et Produits Chimiques) à Albemarle, puis, dans un deuxième temps, l'autre moitié de l'usine en 1997 à un autre groupe américain, Millenium. Pour ajouter à la division, près de la moitié des travailleurs des deux entreprises sont employés par des entreprises extérieures.

Pour la partie PPC, après sept années de gestion Albemarle, l'usine est toujours dans un état de vétusté inadmissible. Seuls les secteurs de production les plus rentables ont été quelque peu améliorés, pour le reste on se débrouille avec les moyens du bord. Alors que le patron investit des millions dans l'informatique, on bricole pour faire fonctionner des installations de plus en plus dangereuses.

D'ailleurs, depuis le début de l'année 1999, les accidents se multiplient. Il y a un an, un ouvrier avait été grièvement brûlé par une gerbe d'acide alors qu'il intervenait sur une conduite. Ses lunettes de sécurité lui ont sauvé la vue, mais ses jambes ont été brûlées au troisième degré. Il est revenu au travail ces jours-ci, après un an de soins et de convalescence. La direction voulait le renvoyer en prétextant une faute grave; elle a finalement reculé devant l'indignation générale.

En octobre, un incendie s'est déclaré dans un atelier. Heureusement, il n'y a eu que des dégâts matériels. C'est un vieux transformateur qui a sauté!

Mais depuis quelque temps on a atteint un autre niveau d'insécurité. Le 2 février, un employé du magasin se fait une déchirure musculaire pendant son travail. En revenant de l'hôpital, il passe chez son employeur, une société qui gère le magasin en sous-traitance pour PPC. Là, sans se préoccuper le moins du monde de la gravité de la blessure, le patron lui ordonne de retourner immédiatement au travail, quitte à y faire de la figuration. Il prétexte la peur de voir le contrat qui le lie à PPC revu à la baisse. Effectivement, chez PPC, faire monter les statistiques d'accidents du travail est le pire des crimes! A son retour à l'usine, on lui fait comprendre que, s'il veut garder son emploi, il n'y a jamais eu d'accident du travail.

Mardi 22 février, une équipe de maintenance, également d'une société extérieure, intervient dans un atelier sur un circuit de chlore. Une fuite se produit et l'équipe entière se retrouve à l'infirmerie après avoir respiré le gaz. Des responsables passent les voir, leur expliquent qu'il s'agit d'un accident sans gravité, et parviennent à leur faire reprendre le travail une heure plus tard, en pensant cette fois à les munir des masques adéquats. Mais ces camarades ont risqué un accident grave, alors que la hiérarchie leur avait assuré que les conduites étaient condamnées et ne représentaient aucun risque; leur ordre de travail précisait que seul l'équipement de sécurité minimum était nécessaire.

Dans ce contexte de dégradation permanente des conditions de travail, comment la direction ose-t-elle nous parler de sécurité ? On nous rabâche sans arrêt qu'il faut prendre le temps d'effectuer son travail, pour être dans les meilleures conditions de sécurité. La réalité, c'est que le travail doit être effectué dans des temps records, rentabilité oblige. C'est encore plus vrai pour les travailleurs des entreprises extérieures, qui subissent une double pression: celle de la direction de l'usine, qui essaie à tout prix de leur faire porter le chapeau en cas d'accident, et celle de leurs propres patrons, qui ont peur de perdre leur contrat avec PPC.

Le dégoût, le mécontentement sont de plus en plus larges. Si nous ne voulons pas y laisser notre santé ou, pire, notre peau, il faudra réagir collectivement à ces pratiques dignes d'un autre âge.

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