Espagne - près d'Alméria, surexploitation et violences racistes : Les travailleurs marocains ont réagi par la grève18/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1649.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne - près d'Alméria, surexploitation et violences racistes : Les travailleurs marocains ont réagi par la grève

La vague de violence contre les travailleurs immigrés d'origine marocaine qui s'est développée récemment dans la région d'Almeria, en Espagne, a duré plusieurs jours et soulevé une grande émotion dans tout le pays.

C'est l'assassinat d'une femme par un déséquilibré marocain qui est à l'origine de cette flambée de violence. Mais depuis longtemps se développait une campagne xénophobe qui rendait les immigrés marocains responsables de l'augmentation de la délinquance et de l'insécurité dans cette localité. Après l'enterrement de la femme, des groupes nombreux se sont formés, se livrant à de véritables ratonnades. Abris et locaux de toutes sortes utilisés par les marocains ou par des associations espagnoles qui les aident ont été détruits. Des maisons, des bidonvilles ont été incendiés. Quant aux travailleurs émigrés, ils ont été poursuivis et attaqués par des hommes armés de barres de fer, de couteaux et d'armes à feu. Les forces de l'ordre ont assisté passivement à cette véritable chasse à l'homme, laissant les agresseurs agir à leur guise et dresser par exemple des barricades dans les faubourgs du village pour l'isoler, de sorte que pendant presque deuxjours, les travailleurs immigrés ont été à la merci de la violence et de cette sorte de folie raciste.

El Ejido et la région située à l'ouest d'Almeria sont une zone semi-désertique, déshéritée depuis des décennies, qui a connu depuis une vingtaine d'années un certain développement grâce aux cultures en serres où travaillent en grande majorité des émigrés marocains. Et s'il faut parler de délinquance et de vol, c'est bien en parlant des patrons des entreprises agricoles de la région. Journées de 10 à 12 heures dans des serres où au printemps et en été les températures atteignent les 50 degrés alors que l'atmosphère est constamment polluée par les pesticides. Salaires misérables dans cette région où la convention collective de l'agriculture est l'une des plus défavorables aux travailleurs. La surexploitation des travailleurs de ce secteur est encore aggravée par la présence de nombreux immigrés « illégaux », qui n'ont pas de contrats et sont à la merci d'un patronat qui les traite comme des esclaves, les embauchant sur les places des villages ou aux carrefours des routes et des chemins pour les jeter dehors quand ils n'en ont plus besoin. L'utilisation de cette main-d'oeuvre bon marché, surexploitée et terrorisée par la crainte d'une expulsion hors d'Espagne, permet à ces entreprises de s'adapter aux fluctuations des cours sur le marché international des fiuits et légumes en réalisant d'importants profits. Les profits annuels réalisés par ce patronat à El Ejido, qui compte 50 000 habitants, est de quelque 15 milliards de francs, et cette agglomération est celle qui compte en Espagne le plus fort pourcentage d'établissements bancaires par habitant. Par contre 57 % de la population y vit dans des bidonvilles, des habitations insalubres ou des ruines, sans lumière, sans eau courante, sans sanitaires. Mais l'un des pires fléaux pour la population marocaine concentrée dans les quartiers les plus pauvres est le racisme. Il n'est pas rare que des Marocains en situation légale ou non soient expulsés des bars et des lieux publics. Des immigrés qui avaient osé occuper des maisons vides ont été expulsés sur ordre de la mairie. Le maire, un homme du Parti Populaire (parti de droite), qui dirige une entreprise agricole, a toujours été le premier à faire des déclarations racistes contre les Marocains.

Malgré ce climat, les travailleurs marocains ont appelé à une grève pour protester contre les violences et pour obtenir une amélioration de leurs conditions de travail et de vie. Cette grève a été suivie par la totalité des émigrés d'origine marocaine et a paralysé pendant quatre jours les serres tandis que des piquets de travailleurs étendaient le mouvement. Le seul fait que cette grève existe a fait que pour la première fois les dirigeants des sociétés agricoles et les représentants du gouvernement ont accepté de traiter avec les travailleurs immigrés. Différentes associations d'immigrés ainsi que les syndicats majoritaires, les Commissions Ouvrières et l'UGT, ont bien essayé de calmer le jeu en modérant les revendications et en incitant les travailleurs à reprendre le travail. Mais malgré cela la grève a tenu plusieurs jours et les travailleurs ont arraché quelques revendications concernant l'indemnisation pour les dégâts subis, la construction de véritables habitations, l'application de la convention collective à tous les travailleurs et la régularisation des immigrés en situation illégale.

Mais il faudra que la lutte continue. Car les patrons cherchent à faire jouer une autre concurrence entre travailleurs. C'est ainsi que pour casser la grève ils ont embauché des travailleurs venus des pays de l'est de l'Europe. Il y aurait ainsi des travailleurs en provenance de l'est européen en attente à la frontière entre la France et l'Espagne. La presse évoque les propos de patrons de la région d'Almeria affirmant: « On changera de travailleurs, on les fera venir d'Amérique du Sud, de pays dEurope, car avec les Arabes il n'y a que des problèmes ». Mais il y aura espéronsle aussi la solidarité qui peut naître entre les travailleurs de toutes origines face à l'exploitation intolérable qu, on leur fait subir. Comme il y a eu à El Ejido, après cette flambée de haine raciale, la solidarité, dans la lutte, entre tous les travailleurs marocains, que les patrons avaient pourtant souvent essayé d'opposer les uns aux autres. Et c'est là qu'est l'espoir.

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