Une lettre d'Arlette Laguiller à l'Humanité04/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1647.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Une lettre d'Arlette Laguiller à l'Humanité

Monsieur le rédacteur en chef,

L'Humanité datée des 29 et 30 janvier 2 000 revient sur ce que vous appelez la " Controverse sur la taxation des mouvements de capitaux ". Le sous-titre de la page affirme que " par son abstention, l'extrême gauche a empêché l'adoption d'une résolution de compromis sur la taxe Tobin ".

Votre journal et Lutte Ouvrière n'ont certainement pas la même appréciation de la dérisoire taxe Tobin qui, même adoptée par toutes les grandes puissances, c'est-à-dire non seuleument par les divers pays d'Europe mais également par le Japon et les Etats-Unis, n'arrêterait en rien la circulation des capitaux spéculatifs, et encore moins les causes qui engendrent la spéculation.L'économiste américain, proche collaborateur de deux présidents des Etats-Unis, qui a proposé cette taxe n'avait d'ailleurs nullement pour objectif d'empêcher quelque mouvement que ce soit du grand capital.

Mais avoir des désaccords, c'est une chose.Déformer la vérité en est une autre.Pourquoi, par exemple, mettre en cause les cinq élus LO-LCR et passer sous silence le fait que, dans le groupe GUE, qui, sans nous compter, est composé de 37 députés, il n'y a eu que 28 députés pour voter la résolution ? Que dans le groupe socialiste, il n'y en a eu que 128 sur 180, et chez les Verts, 40 sur 45 ?

Francis Wurtz insiste, dans sa contribution à cette page, sur l'importance, à son avis, de ce vote. Il affirme même que " les choses étaient claires : tout le monde savait que le scrutin serait serré et que chaque voix compterait ". Mais si les choses étaient si claires, pourquoi donc tous les députés de la GUE, qui étaient d'accord avec la résolution, n'ont-ils pas été mobilisés, à commencer par Robert Hue ? Cela aurait suffi pour faire passer le texte.A plus forte raison, si les Verts et les socialistes en avaient fait autant.

Pour notre part, nous n'avions pas l'intention de voter un texte qui, sous prétexte de débarrasser le système financier " de ses excès ", a surtout pour but de le préserver, et qui, en plus, a bénéficié du discutable honneur d'obtenir le soutien de Messieurs Pasqua, Bayrou et Lamassoure.

Il eut été plus honnête de s'en prendre à ceux qui, tout en étant pour la résolution, voire qui ont participé à sa rédaction, n'étaient pas là pour la voter, plutôt que de nous reprocher, à nous qui étions contre, de ne pas avoir pallié leur défection en reniant nos propres idées.

Un vote du Parlement européen aurait été, affirme Francis Wurtz, " une façon de mettre les pieds dans la porte ".Et pourquoi donc le gouvernement Jospin, composé précisément des partis dont les représentants me font le reproche de ne pas avoir voté la résolution en cause, ne décide-t-il pas la taxe Tobin et ne la propose-t-il pas officiellement, à Bruxelles, aux autres gouvernements de l'Union européenne (qui sont, en majorité, dirigés par des socialistes) ? Si cette taxe est si importante, pourqoi " batailler ferme " -je reprends l'expression de Francis Wurtz- pour entraîner un Parlement européen sans pouvoir à voter une résolution sans le moindre effet, plutôt que de prendre la décision dans un gouvernement qui a ce pouvoir ?

Arlette Laguiller

PS: Il serait utile, dans le but d'informer correctement vos lecteurs, de publier cette lettre.

Partager