L'entrée en vigueur de la loi Aubry : Des réactions de rejet qui doivent s'amplifier04/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1647.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

L'entrée en vigueur de la loi Aubry : Des réactions de rejet qui doivent s'amplifier

La journée du 1er février, date de l'entrée en vigueur de la deuxième loi Aubry sur " la réduction négociée du temps de travail " pour toutes les entreprises de plus de 20 salariés, a été marquée par diverses manifestations, débrayages, mouvements de colère, dans les transports urbains, à Paris, en Ile- de-France et en province, dans les hôpitaux, à La Poste.

Dans les hôpitaux comme à La Poste, cette journée s'est inscrite dans le prolongement d'un mouvement commencé il y a déjà un bon moment pour dénoncer le manque d'effectifs et parfois aussi les salaires bloqués. Et il n'est probablement pas près de s'arrêter.

Les salariés chauffeurs routiers de leur côté, également mobilisés ce jour-là, poursuivaient une grève commencée la veille.

Mais partout, cette loi sur les 35 heures engendre la colère des travailleurs, pour qui elle se traduit par la dégradation des horaires de travail avec une flexibilité accrue, par le blocage des salaires, le tout s'accompagnant de pas ou peu d'embauches. Sans doute, dans certaines entreprises, certains travailleurs, voire seulement certaines catégories d'entre eux, peuvent trouver leur compte dans la mise en oeuvre d'une réduction d'horaire, qui ne s'accompagne pas d'une flexibilité accrue. Mais ce n'est pas le cas général car la loi autorise une remise en cause des acquis et des conventions collectives et, au bout du compte, signifie un recul. Car il n'est pas nécessaire d'attendre la publication de tous les décrets d'application de cette loi pour se rendre compte qu'il s'agit là d'une véritable machine anti- ouvrière déposée par le gouvernement entre les mains du patronat, gouvernement qui a tenu à y atteler également les organisations syndicales. En effet, plusieurs dispositions impliquent la signature de celles-ci.

C'est ainsi qu'en plus des aides existantes, le nouveau dispositif d'allégement des cotisations patronales aux organismes de Sécurité sociale est conditionné par l'existence d'un accord collectif de passage aux 35 heures signé avec les syndicats. Ces derniers trouvent ainsi un rôle renouvelé d'interlocuteurs privilégiés des patrons, qui sans leur signature ne peuvent prétendre aux allégements des charges sociales. En contrepartie, mais c'est vraiment là un bien grand mot, les patrons doivent s'engager à " créer ou préserver des emplois ", sans que le nombre de ces emplois soit précisé de quelque façon et surtout sans qu'il y ait, de fait, une contrainte aussi légère soit-elle à créer des emplois puisque les employeurs peuvent se contenter de déclarer les " préserver ".

Par ailleurs, la loi prévoit une exonération des charges sociales patronales plus forte pour les bas salaires et dégressive au fur et à mesure que l'on s'élève dans la grille salariale. Qu'est-ce d'autre qu'une prime aux bas salaires, qu'une véritable incitation à mal payer les salariés ? Aux aides déjà existantes, les patrons pourront donc ajouter des allégements qui, pour un salarié payé au Smic (soit 6 882 F brut sur la base de 39 heures hebdomadaires actuellement), tourneront autour de 20 000 F annuels, somme qui n'est pas négligeable dans la plupart des grandes entreprises, publiques ou privées, où dominent les bas salaires.

L'entrée en application de la loi Aubry constitue une véritable provocation pour l'ensemble du monde du travail. Et il faut souhaiter que les mouvements de mécontentement qu'elle a suscités se poursuivront et s'amplifieront pour impliquer bien d'autres catégories de travailleurs, des services publics mais aussi des entreprises privées. Car cette loi, dont on voit l'usage qu'en fait le gouvernement dans les services publics, représente un cadeau pur et simple fait au patronat dans son ensemble pour imposer encore plus durement sa loi au monde du travail.

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