Haider ministre en Autriche ? La politique des gouvernements fait le lit de l'extrême droite04/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1647.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Haider ministre en Autriche ? La politique des gouvernements fait le lit de l'extrême droite

Un gouvernement de coalition va voir le jour en Autriche, entre le parti de droite conservateur et le parti d'extrême droite de Jörg Haider, qui a recueilli au mois d'octobre plus de 27 % des voix aux élections législatives qui se déroulaient dans ce pays.

Jörg Haider, grand propriétaire ayant le soutien de certains grands capitalistes, n'en a pas moins développé une démagogie populiste pour se présenter à l'occasion comme le défenseur des pauvres. Il utilise dans sa propagande des ingrédients comparables à ceux de Le Pen ou Mégret en France, présentant les étrangers et les immigrés comme l'ennemi, et n'hésite pas à faire référence au régime nazi.

Qu'un tel parti, ouvertement raciste et xénophobe, puisse accéder au gouvernement dans un pays d'Europe, fût-ce au sein d'une coalition, voilà qui est inquiétant pas seulement pour la population immigrée et pas seulement en Autriche, mais pour tous les travailleurs conscients. L'odieuse démagogie de l'extrême droite peut en effet servir de couverture à la pire politique réactionnaire et antiouvrière, frappant en premier lieu les travailleurs immigrés, mais aussi tous les autres.

Les dirigeants de l'Union Européenne, et en France Jospin et Chirac, multiplient les déclarations contre l'installation d'une telle coalition en Autriche. Jospin a déclaré que l'Autriche de Jörg Haider devait être " politiquement isolée en Europe " car l'Union Européenne est " une communauté de principes et de valeurs humanistes ". Mais ces gens-là s'achètent ainsi une bonne conscience à bon compte. Car Haider, comme le démontre l'existence de Le Pen et Mégret en France, n'est nullement une spécialité autrichienne. Rappelons les résultats électoraux importants de Le Pen et Megret ici en France. Rappelons comment la droite, même parlementaire, reprenait à son compte les insanités de l'extrême droite. Le chômage, la montée de la misère, les craintes que tout cela engendre offraient d'autant plus un terreau pour la démagogie imbécile de l'extrême droite que les gouvernements en place, ceux de droite comme ceux de gauche, étaient incapables de mener la politique nécessaire pour les résorber.

En Autriche on a vu les sociaux-démocrates au gouvernement - seuls ou en coalition avec les conservateurs - mener une politique d'austérité antiouvrière au service du patronat et rejeter ainsi l'électorat populaire du côté de l'extrême droite. A la démagogie xénophobe de celle-ci, les mêmes sociaux-démocrates et conservateurs auxquels Jospin attribue ce qu'il appelle les " valeurs humanistes " de l'Union Européenne ont répondu par des mesures contre l'immigration, rétablissant les visas, restreignant le droit d'asile, déployant l'armée le long des frontières et imposant des quotas.

Toutes ces mesures ne sont pas bien différentes de celles pratiquées ici en France par les Pasqua, les Debré, et aujourd'hui les Jospin et les Chevènement. Le développement du chômage et de la précarité, la dégradation sociale qu'ils entraînent, résultent partout d'une politique gouvernementale en faveur du patronat, qui détourne les fonds publics pour alimenter ses profits scandaleux et la spéculation, qui aggrave les conditions de vie et de travail et qui jette une partie de la population travailleuse à la rue.

La gauche de gouvernement tout comme la droite dite républicaine, responsables de cette politique, n'ont pas hésité à recourir elles-mêmes à la démagogie anti-immigrés ; l'acharnement du ministre de l'Intérieur, Chevènement, contre les sans-papiers continue tous les jours de le montrer.

C'est cette politique qui alimente les courants réactionnaires et xénophobes. Les déboires électoraux récents d'un le Pen et d'un Mégret ne peuvent suffire à rassurer. La démagogie des Pasqua, des De Villiers, et de toute une partie de la droite dite " républicaine " est exactement de la même eau et s'alimente des mêmes propos odieux à l'égard des immigrés et des étrangers. Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes politiciens qui changent de casaque et passent de l'extrême droite à la droite dite " respectable " en fonction des opportunités.

Alors les protestations d'" humanisme " émanant d'un Jospin, d'un Chirac et des autres dirigeants européens ne sont certainement pas une protection pour les travailleurs qui veulent faire front à la menace d'extrême droite, que ce soit en Autriche, en France ou ailleurs en Europe. Car c'est précisément toute la politique menée par ces gens-là, qui la nourrit et l'entretient. Les gouvernements européens, menant une politique antiouvrière avec pour certains de fausses phrases de gauche, ne font que renforcer la droite et l'extrême droite, au risque de leur ouvrir la voie vers le pouvoir.

Et la seule protection qu'ont les travailleurs contre le retour de courants aussi inquiétants que celui de Jörg Haider en Autriche, c'est bien d'abord de renouer avec la lutte de classe, d'apprendre à mettre en échec la politique gouvernementale et patronale, de montrer que la classe ouvrière a les moyens et la force d'ouvrir à la société une autre perspective que cette situation de crise, de chômage et de misère dans laquelle nous enfoncent, quoi qu'ils en disent, les Jospin, les Chirac et tous leurs semblables.

Partager