Construction et rénovation des lycées en Ile-de-France : Des milliards détournés et envolés...04/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1647.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Construction et rénovation des lycées en Ile-de-France : Des milliards détournés et envolés...

Trentre-trois personnes mises en examen, des millions de francs qui alimentaient les caisses du RPR, du PS et du PR, voire du PCF, entre 1989 et 1996, un surcoût global de 2,5 milliards de francs pour les contribuables franciliens : tel est le bilan, pour l'instant, de l'enquête sur les ententes illicites entre les grandes firmes du bâtiment et des travaux publics (BTP) chargées de construire et rénover les lycées d'Ile-de-France.

Pas une des grandes pointures du BTP, de Sicra (filiale de Vivendi, ex-Compagnie Générale des Eaux) à GTM-Construction Ile-de- France (filiale de la Lyonnaise des Eaux), en passant par Dumez, Fougerolles, sans oublier le plus important, Bouygues, qui ne soient impliquées de près ou de loin dans cette escroquerie au détriment du contribuable ; une gigantesque arnaque que les deux juges d'instruction n'hésitent pas à qualifier de " casse du siècle ".

L'opération était fort simple, selon les aveux de certains cadres dirigeants de ces entreprises, inculpés. Il s'agissait de se répartir les 28 milliards de francs des budgets prévus, en évitant toute concurrence.

Afin de se partager le fromage en toute tranquillité, tout ce beau monde se retrouvait régulièrement, dans les salons de grands hôtels parisiens, et se distribuait les marchés à tour de rôle en fonction du lieu d'implantation de l'ouvrage, de la spécialité de chaque entreprise et du montant des travaux. La pratique du " tourniquet " permettait de n'oublier personne et, comme il n'y avait pas de concurrence, les entreprises du BTP en profitaient pour surfacturer les travaux. Surcoût de cette entente illicite pendant sept ans : 2,5 milliards de francs au total...

Le Conseil régional d'Ile-de-France, dirigé alors par Michel Giraud (ancien ministre du Travail RPR), aurait tiré les ficelles de l'opération et, selon l'enquête, ses collaborateurs directs auraient joué le rôle d'arbitre dans l'attribution des marchés. Et comme tout service se paye, les entreprises qui décrochaient un marché reversaient une commission de 2 à 3 % du montant de l'opération aux principaux partis politiques représentés au Conseil régional. Selon les juges, plus de 560 millions de francs auraient été ainsi détournés. Cet argent aurait également servi à corrompre des fonctionnaires des Directions départementales de l'équipement, à attribuer des emplois fictifs aux membres de ces partis et à enrichir certains élus comme Guy Drut, qui vient d'être mis en examen. Cet ancien ministre RPR de la Jeunesse et des sports, actuel député de Seine-et-Marne et maire de Coulommiers, a selon les juges touché indûment entre 600 000 et 800 000 francs de rémunérations, entre 1990 et 1992, de l'entreprise de BTP Sicra.

On comprend mieux dès lors pourquoi de nombreux lycées flambant neufs (mais construits visiblement en carton-pâte... faute de moyens !) n'ont pas résisté à la récente tempête ; et pourquoi d'autres à peine rénovés (à la va-vite et à moindres frais) voient déjà la peinture des salles de classe s'écailler, les menuiseries intérieures et extérieures se briser et les plaques des façades se détacher (quand elles ne sont pas retenues par des filets).

Désormais lycéens et contribuables savent à qui demander des comptes.

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