Listériose : À quand la transparence sur ce que l'on mange ?14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Listériose : À quand la transparence sur ce que l'on mange ?

Suite à la contamination par la listéria, le débat est lancé sur les responsabilités dans la mort de deux personnes et l'hospitalisation de sept autres.

Est-ce la faute de l'entreprise Coudray, filiale du groupe Paul Prédault, fabriquant des rillettes et de la langue de porc en gelée infectées, qui n'aurait pas été assez sévère dans le contrôle de ses fabrications ? Faut-il mettre en cause la durée de vie des produits de 45 jours, soit beaucoup trop aux dires de certains ?

Les pouvoirs publics et leurs contrôles trop peu nombreux, trop peu fréquents, ne seraient pas non plus hors de cause. Les normes sanitaires françaises, inférieures aux normes européennes, viendraient aggraver la situation. Les transporteurs et grands distributeurs, qui pourraient être responsables de la " rupture de la chaîne du froid ", auraient probablement permis à cette bactérie à peu près omniprésente de se multiplier dangereusement. Enfin, au bout du compte, n'est-ce pas la faute du consommateur trop gourmand qui, naïvement, mange son pot de rillettes à plus de 4° au-dessus de zéro et, de surcroît, le laisse souvent traîner sur la table après s'être servi ?

Bref, dans cette affaire, à en croire bien des commentateurs, les responsabilités seraient largement partagées, à tel point que la possibilité d'écarter tout risque à l'avenir, ou du moins de faire le maximum pour réduire ce risque, apparaîtrait comme à peu près illusoire, sinon carrément impossible.

Pourtant, cette affaire n'est pas la première du genre puisqu'en 1992, une épidémie de listériose avait touché 279 personnes dans 53 départements et avait entraîné 66 morts et 22 avortements. Et ce n'est qu'aujourd'hui, à l'occasion de ces nouveaux décès, qu'on nous apprend qu'il s'agissait alors de produits en provenance de la même société Paul Prédault et de sa filiale, l'entreprise Coudray. A l'époque, le nom de la société n'avait pas été révélé par les pouvoirs publics afin, expliquent-ils, de ne pas ruiner l'entreprise. Les intérêts des actionnaires et des patrons de l'entreprise en question étaient visiblement prioritaires sur le droit des consommateurs à savoir exactement ce qu'ils achètent, comme d'ailleurs sur le droit des travailleurs à savoir exactement ce qu'ils fabriquent.

En huit ans, les choses n'ont visiblement guère changé. Les patrons de l'usine Coudray de Connerré ont continué à engranger des bénéfices qui s'élèveraient pour le dernier exercice (1998-1999) à 180 millions de francs net après impôts. Les effectifs de l'entreprise diminuaient en cinq ans de 135 personnes à 90 alors que la production augmentait à 20 tonnes par jour. Et tout récemment, lorsque leurs productions étaient directement mises en cause dans la mort par listériose de deux personnes, les patrons de l'usine Coudray venaient expliquer, embarrassés, qu'ils étaient au courant depuis novembre de la présence de germes dans des prélèvements effectués en septembre dernier dans leurs fabrications, mais qu'il n'aurait servi à rien d'en informer le public puisque les produits incriminés étaient déjà consommés et périmés. En somme, avec la complicité des pouvoirs publics, au nom de la concurrence et afin de ne pas remettre en cause leurs ventes et leurs profits, ces patrons expliquaient comme allant de soi la désinformation des consommateurs. Tout comme en 1992.

Que la population ait un contrôle sur les entreprises et leur production, qu'il existe une véritable transparence autour de fabrications destinées à la consommation, voilà qui relèverait d'une simple question de salut public.

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