Le rapport de la Cour des comptes : L'opacité demeure14/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1644.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le rapport de la Cour des comptes : L'opacité demeure

Le rapport de la Cour des comptes, qui traditionnellement dénonce les abus et les dérives dans le fonctionnement de certaines institutions, s'est penché cette année sur les pratiques en matière d'emploi et de rémunération dans sept grands ministères (Economie et Finances, Intérieur, Justice, Education nationale, Equipement, Emploi et Solidarité, Agriculture). Rendu public le 10 janvier par le président de cette institution, le socialiste Pierre Joxe, ce constat montre du doigt les " carences dans la gestion des effectifs " ainsi que les " systèmes complexes " et " opaques " de rémunération qui ont cours aussi bien à Bercy qu'à l'Education nationale, ou au ministère de l'Intérieur.

Passons sur le fait que le représentant de la Cour des comptes, tout en prônant la transparence et en déclarant plus de 60 000 F de revenus mensuels, s'est bien gardé de rendre public le montant des indemnités et primes de fonction qu'il partage avec la trentaine de magistrats formant cette institution. De la transparence, oui, mais pas trop !

Cela étant, les abus sont bien réels dans certaines administrations. On apprend qu'au ministère des Finances, par exemple, les hauts cadres qui prêchent la vertu et l'austérité pour les autres arrondissent leurs revenus déjà conséquents par tout un système de primes et d'avantages fiscaux. Ainsi, les trésoriers payeurs généraux arrivent à une rémunération annuelle qui oscillait entre 1,249 million et 775 800 francs en 1997 ; de plus 25 % de ces revenus échappent à l'impôt. Quant à un directeur régional à la Direction générale des impôts, il peut doubler son salaire grâce aux primes et émarge en moyenne à 584 236 francs nets de cotisations sociales.

Il n'en fallait pas plus pour que la presse fasse, à la suite de la Cour des comptes, l'amalgame entre le sort réservé aux employés de ministère ou aux enseignants et le traitement octroyé à quelques hauts fonctionnaires. Sans s'embarrasser de la vérité, elle désigne tous les fonctionnaires comme des privilégiés, responsables du gaspillage de l'argent public, des emplois bidons ou encore comme des bénéficiaires de nombreux " privilèges accordés pour préserver la paix sociale " dans les ministères !

Mais tous ces gens, qui militent en fait pour faire accepter des coupes claires dans les effectifs et le budget des services publics, se gardent bien de dénoncer les dizaines de milliards dilapidés chaque année par l'Etat sous forme de primes, subventions et exonérations d'impôts de toutes sortes dont bénéficient les grandes entreprises, sous le faux prétexte de maintenir ou de créer des emplois. Et à combien de milliards se chiffrent les privilèges, bien réels, dont jouissent les contribuables les plus fortunés par le biais de l'avoir fiscal, des abattements fiscaux ou des stocks options ? Sans parler des copieuses indemnités et avantages en nature que s'octroient les députés et les sénateurs, les responsables des Conseils généraux et autres maires de grandes villes.

Du Monde aux Echos, en passant par la Cour des comptes, tous ces gens-là se disent favorables à plus de transparence, mais pas à toute la transparence sur le fonctionnement de l'Etat et de ses institutions ni sur le fonctionnement des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. Ils mettent en avant quelques scandales, certes bien réels, pour tenter de faire oublier tous les autres, et surtout pour préparer l'opinion à de nouvelles mesures d'austérité dans les services publics, dont il serait étonnant en fait qu'elles écornent les primes des hauts fonctionnaires les plus privilégiés.

Partager